Au centre du monde
24/11/2025
Au creux d’Omphalos, le nombril du monde, les humains se démènent.
Le chorégraphe Damien Jalet a représenté un condensé d’humanité dans le creux d’une parabole gigantesque, de celles qui captent les signaux du cosmos. Vingt danseurs y dessinent des trajectoires, y sont traversés par des ondes telluriques, à la fois maîtres de leurs mouvements et jouets de forces qui les dépassent. Fondée sur une réflexion qui met en regard les mythologies (grecque et mexicaine) et la haute technologie, Omphalos présente une succession de tableaux d’une grande beauté.
Au micro de C LAb, Damien Jalet revient sur son parcours, raconte la genèse de ce projet monté à Mexico et parle de son avenir.
une page en coédition avec le
OMPHALOS
OMPHALOS
de Damien Jalet (2019 – 11’)
Le spectacle Omphalos, mis en scène par Damien Jalet, est exceptionnellement présenté en France au Festival TNB 2019. Vingt danseurs du Centre mexicain de production de danse contemporaine (CEPRODAC) y évoluent dans une spectaculaire corolle, une antenne parabolique comme celle de Pleumeur Bodou. Tendue vers quel mystère ?
Cette vertigineuse chorégraphie se joue de la gravitation et de l’instabilité, au bord du vide et de la chute.
un sujet construit à partir d'un entretien de Damien Jalet accordé à C Lab
Inconscient cosmique
Inconscient cosmique
par Damien Jalet
Omphalos a été créé au Mexique où je souhaitais travailler depuis longtemps, un pays partagé entre une réalité sociale dure, un climat de violence extrême et une culture ancienne qui regardait vers le ciel. Au Mexique, la mythologie s’est bâtie sur l’observation des étoiles et le rapport au temps, une dimension cosmique qui me fascine depuis ma première visite en 2005.
Je voulais faire une pièce où convergent les notions d’axe, de temps et de force centrifuge
qui induit une relation parfaite entre ce qu’on initie et ce qu’on laisse faire. J’ai découvert l’existence de l’Omphalos, un mot grec signifie le nombril du monde. Zeus, voulant situer le centre du monde, a envoyé deux aigles depuis les extrémités de l’Omphalos pour repérer l’endroit où ils se rejoindraient. Il y pose une pierre qu’il a fait protéger par un serpent.
Mexico veut dire le nombril de la lune. Sur le drapeau mexicain figure un symbole : un aigle tient un serpent dans sa bouche. J’ai été frappé par le fait que la Grèce et le Mexique, des peuples qui ne communiquaient pas, aient des archétypes aussi semblables. Il existerait donc des connexions ? En travaillant à Mexico City (ville construite sur les ruines d’une cité ancienne dont les habitants actuels ne savent que très peu de choses), j’avais envie de m’imbiber de ses rituels et des mythes locaux, comme des portes ouvertes vers l’inconscient de cette civilisation.
Dans la mythologie précolombienne, l’espace et le temps étaient dissociés. Dans le spectacle, quatre danseurs personnifient les quatre points cardinaux. Ils sont comme des cosmonautes. Ce sont les Lords of space. Ils ne changent pas. Seize autres danseurs personnifient le temps. Ce sont les Lords of time. Ils sont soumis aux lois du temps. Ce temps leur est compté. Ils se transforment au fur et à mesure des rotations de l’antenne. Ils sont l’humanité qui doit, en permanence, se réinventer.
En révélant l’inconscient local, ses spécificités, son inscription toujours vivace, je veux ouvrir vers l’universel. J’ai conçu Omphalos à la manière d’un archéologue cherchant les inconscients.
Damien Jalet
Damien Jalet
Damien Jalet a étudié le théâtre à l'Institut national supérieur des arts du spectacle de Bruxelles avant de s'orienter vers la danse contemporaine et de partir compléter sa formation à New York. En 2000, il rencontre le chorégraphe Sidi Larbi Cherkaoui auprès duquel il travaille comme danseur et comme collaborateur. Fort de sa formation d’ethnomusicologue, il a participé à la création de plusieurs de ses spectacles, sur la dramaturgie, la mise en scène et la musique.
Damien Jalet a aussi collaboré avec Arthur Nauzyciel, dont il a signé la chorégraphie des pièces Red Waters (opéra signé par Lady and Bird, 2011), L'image (2006), Julius Caesar (2008) et La dame aux camélias (2018).
À partir de 2013, il entame un travail plus personnel qui s'inspire d’autres cultures, de mythologies, de cosmogonies.
Artiste associé au TNB depuis 2017, il y a présenté deux de ses derniers spectacles : YAMA, en 2017, une pièce écrite pour le Scottish Dance Theater. Les costumes de cette création sont imaginés par Jean-Paul Lespagnart, avec lequel Damien a de nouveau collaboré pour Omphalos. Vessel, présenté en 2018, a été créé au Japon avec le sculpteur Kohei Nawa.
Ces spectacles sont des explorations qui se rapprochent d'un travail expérimental. Ils se fondent sur des recherches à partir d’une forme, d'un matériau, d'un rite, d'un monument ou d'un paysage qui fait réagir le chorégraphe.
Cosmogonie sur scène
Cosmogonie sur scène
FRANCE CULTURE >>> Un ballet de corps sans tête, un univers visuel hypnotique… Damien Jalet, danseur et chorégraphe, et le plasticien Kohei Nawa sont derrière le spectacle Vessel. lls explorent les frontières entre danse et sculpture, corps et matière...
FRANCE 3 BRETAGNE >>> Dans les coulisses du TNB : La dame aux camélias, d’après Alexandra Dumas fils, a été mis en scène en 2018 par Arthur Nauzyciel, en collaboration avec le chorégraphe Damien Jalet.
C'LAB >>> L'émission l’(in)attendue en direct du bar du Théâtre national de Bretagne pour le festival TNB ! Le festival TNB, ce sont deux semaines de spectacle, mais aussi de rencontres, de cartes blanches et beaucoup d’autres surprises encore.
DAMIEN JALET >>> Pour rester encore un peu plus longtemps dans l'univers étonnant de Damien Jalet, un extrait de The Ferryman, le passeur des lieux réalisé par Gilles Delmas.
COMMENTAIRES