L'alliance diabolique
C’est avec minutie que le réalisateur Cédric Tourbe nous raconte comment, à l’été 1939, Hitler et Staline, les deux tyrans sanguinaires que politiquement tout oppose, concluent un pacte militaire qui méduse l’Europe et permet à l’Allemagne de déclencher ce qui sera la Deuxième Guerre mondiale.
Au son de la voix du narrateur nous avançons dans la jungle diplomatique de l’époque, entre l’Angleterre tournée vers ses colonies et la France divisée entre fascistes et communistes. Deux vieilles cultures vacillantes face aux monstres industriels que sont l’Allemagne et l’Union soviétique. Les négociations vont bon train, se heurtant sans relâche à des retournements de situation imprévisibles.
À noter que les cent minutes du Pacte Hitler-Staline sont constituées d’archives de l’époque, qui sont d’une richesse extraordinaire, nous permettant d'explorer les moindres replis de cette histoire, de réunions de travail en démonstrations de force, de déplacements en auto, en métro, en avion… Il y a près d’un siècle commençait déjà à poindre, avec la multiplication des films d’actualité et de propagande, une sorte d’ubiquité qui n'a cependant pas empêché la folie meurtrière qui a suivi.
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LE PACTE HITLER-STALINE
LE PACTE HITLER-STALINE
de Cédric Tourbe (2018)
Modèle de cynisme et d’infamie, coup de théâtre aux conséquences abyssales, le pacte Hitler-Staline du 23 août 1939 n’est que le dénouement effroyable d’un vaste échec collectif européen. Choix absurdes, lâcheté face à Hitler, répulsion viscérale entre l’Occident et l’URSS, incompétence des uns et aveuglement des autres : une inexorable descente aux enfers que les plus lucides des acteurs ne réussiront pas à freiner.
>>> un film produit par David Coujard, Agat Films & Cie
L’Histoire sous un nouveau jour
L’Histoire sous un nouveau jour
par Cédric Tourbe
Le printemps et l’été 1939 se passèrent en manœuvres diplomatiques et en négociations menées dans l’urgence. Pour les participants directs eux-mêmes – et à plus forte raison pour les historiens aujourd’hui – il n’était pas facile de comprendre vers quoi tendaient les efforts ni quelles étaient les intentions réelles des protagonistes. Voici ce qu’écrit l’historien russe Oleg Khlevniouk, dont la dernière biographie de Staline fait autorité. Comme une invitation – un avertissement ? – à aborder le pacte germano-soviétique avec beaucoup d’humilité. Il ne faut jamais perdre de vue que les motivations réelles des acteurs de ce drame, qui va aboutir au déclenchement de la Seconde Guerre mondiale, ne nous seront sans doute jamais complètement connues. La confrontation des gigantesques archives diplomatiques françaises, allemandes, britanniques, soviétiques et polonaises de la période – dont certains historiens se sont fait une spécialité – n’aboutissent qu’à épaissir un peu plus le mystère.
Qu’est-ce qui a bien pu pousser Staline à se jeter ainsi dans les bras d’Hitler, son antagoniste idéologique et ennemi mortel, et à signer avec lui ce fameux pacte de non-agression le 23 août 1939 ?
L’explication souvent avancée est justement d’ordre idéologique. Staline, tyran sanguinaire et sans foi ni loi, aurait rejoint Hitler en raison de l’affinité supposée entre deux totalitarismes. Bref, le nazi et le communiste étaient faits pour s’entendre. Rien ne permet de l’attester, d’autant qu’en matière internationale, l’idéologie est rarement un moteur, pas plus que la morale. Français et Britanniques ont eux-mêmes pactisé avec Hitler exactement un an auparavant, lors des fameux accords de Munich, et lui livrèrent en pâture la pauvre Tchécoslovaquie. En matière de pragmatisme politique, la position de Staline n’était donc pas plus condamnable que celle des Occidentaux.
À y regarder de plus près, ce qui saute d’abord aux yeux c’est que Staline – en dépit de la méfiance maladive que lui inspiraient les démocraties capitalistes – a voulu former avec l’Occident une alliance contre Hitler. Mais il a trouvé porte close pendant cinq ans…
Le Premier ministre britannique Neville Chamberlain, mélange détonnant d’orgueil, d’anticommunisme obsessionnel et d’incompétence notoire en matière internationale, porte une responsabilité écrasante. C’est sa politique d’apaisement qui interdira en grande partie – jusqu’à l’absurde tragi-comique – la conclusion d’une alliance franco-britannique avec Staline. Il s’agit donc là moins du cynisme de Staline que de sa véritable terreur de se retrouver seul face à Hitler qui explique la signature du pacte de non-agression.
On verra qu’à la fin Staline reprend à son compte l’apaisement de Chamberlain et commet la même erreur que lui. Persuadé – à raison ! – que son Armée rouge ne s’est toujours pas remise des purges effroyables de 1937-1938, impressionné par la victoire éclair d’Hitler sur la France, Staline tentera jusqu’à la dernière minute de trouver une solution négociée pour empêcher Hitler de déchirer le pacte de non-agression. C’est pour cette raison qu’il interdit que l’on mobilise l’Armée rouge à la veille de l’attaque allemande de juin 1941, ce qui manque de précipiter l’effondrement de l’URSS.
Quoiqu’il en soit, si le pacte germano-soviétique a été signé c’est parce que l’alliance entre la France, la Grande-Bretagne et l’Union Soviétique n’a pas été possible.
Ce projet se situe dans le même état d’esprit que celui qui a présidé à Lénine, une autre histoire de la Révolution russe. En mettant de côté ce que nous savons des conséquences du pacte, c’est à l’enchaînement des événements qui ont conduit à sa signature que nous nous sommes intéressés.
Cédric Tourbe
Cédric Tourbe
Cédric Tourbe grandit en Picardie et fait des études de Sciences politiques à Paris. Il réalise son premier film en 2010, Foccart, l’homme qui dirigeait l’Afrique (Étoile de la Scam 2011), ce qui l’encourage à en faire son occupation à plein temps. Après plusieurs longs métrages sur les rouages des hautes sphères du pouvoir français, il réalise en 2013 une série documentaire, Révolte, sur les tempêtes qui changent le monde, de Mai 68 au Printemps arabe, en passant par les manifestations de la place Tian’anmen en Chine. Son but est de raconter du mieux possible des histoires vraies.
Le pacte Hitler-Staline est le deuxième film d’une trilogie soviétique réalisée pour Arte. Il est précédé de Lénine, une autre histoire de la Révolution russe, et suivi par Les bourreaux de Staline - Katyn 1940.
Il travaille actuellement sur un champ nouveau : les États-Unis avec Climat, une guerre américaine pour France 5. Il entreprend l’écriture d’un récit en trois volets pour Arte, pour l’instant intitulé L’Évangile de la richesse, une histoire du capitalisme américain.
Il vit et travaille à Montpellier.
Relations troubles
Relations troubles
LE MONDE DIPLOMATIQUE >>> Dans l’entreprise en cours de révision de l’histoire du 20e siècle, qui concerne en particulier le communisme, la question des rapports entre l’Union soviétique et l’Allemagne nazie occupe une place centrale.
LE TEMPS >>> Roger Moorhouse offre une nouvelle lecture du pacte germano-soviétique qui a lié l’Allemagne nazie à la Russie stalinienne. Un rapprochement a priori contre nature qui a volé en éclats le 22 juin 1941.
LES ÉCHOS >>> Dans leurs livres, Roger Moorhouse et Benn Stein décryptent deux clés de l’histoire du 20e siècle : le traité de non-agression Allemagne-URSS et le plan Marshall.
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