Rappel des faits

de Renaud Saint-Cricq et Nicoby (2021)

Patient zéro est le récit documenté des débuts de la contamination au coronavirus en France. Malades, familles, soignants, élus, chercheurs, racontent la panique, les ratés et la mobilisation face au COVID. Dans un langage dessiné, Renaud Saint-Cricq et Nicoby, accompagnés des journalistes du Monde Raphaëlle Bacqué et Ariane Chemin, nous emportent dans les coulisses de l’une des plus graves crises sanitaires de l’histoire.
>>> un album édité par Glénat

En tant que journaliste, quelles raisons vous poussent à utiliser la bande dessinée comme moyen d’expression ?
Renaud Saint-Cricq: La bande dessinée est un moyen d’expression formidable pour raconter le réel. Elle permet à la fois de rendre le sujet plus familier et l’information plus accessible, sans rien perdre de l’objectivité du travail journalistique. Elle offre aussi la possibilité d’organiser le récit différemment. Et puis, on ne va pas se mentir, c’est un bonheur de voir son enquête prendre vie en dessins.

Pouvez-vous détailler le travail d’enquête mis en place pour le livre ?
R St-Cricq : Notre volonté, c’était de raconter le début de la contamination

dans l’Oise. C’est là où tout a vraiment commencé. Premiers malades autochtones, premières victimes françaises, premiers confinés… Les habitants de ce département ont vécu un cauchemar avant tout le monde. Et pour raconter cette histoire, on a choisi de s’appuyer sur l’enquête que les autorités sanitaires ont menée sur le patient zéro. À l’époque, c’était une course contre la montre, comme dans un film ou un roman policier. Ils espéraient pouvoir enrayer l’épidémie en retrouvant ce patient zéro.
Comme pour toute enquête, on a commencé par le terrain. On est allé dans l’Oise rencontrer les familles des deux premiers malades autochtones français : Dominique Varoteaux, le professeur de technologie de Crépy, malheureusement décédé, et Jean- Pierre Gossart, le civil qui travaillait sur la base militaire de Creil et qui a passé un mois dans le coma. On a aussi interrogé des élus de l’Oise, des médecins des hôpitaux de Compiègne et Creil, des scientifiques qui avaient participé à l’enquête sur le patient zéro… Notre récit est le résultat de toutes ces rencontres et de tous ces témoignages.

En démarrant un reportage, on ne sait jamais jusqu’où il nous emmènera. Quel résultat avez-vous obtenu avec Patient zéro ?
R St-Cricq : Ce livre est à la fois un récit intime et une enquête quasi policière. Un récit intime, parce qu’on raconte ce par quoi sont passées les familles de Dominique Varoteaux et de Jean-Pierre Gossart, donc. Et ça n’a pas été facile, vous l’imaginez. Mais on plonge aussi le lecteur dans les coulisses de la recherche du patient zéro, avec notamment les épidémiologistes de Santé Publique France. Qui a contaminé qui ? Et comment ? C’était leur obsession. Les militaires de Creil ont été soupçonnés d’être à la base de la contamination, les navigants de Roissy aussi, on a parlé d’espion revenu de Chine… Dans l’Oise, à l’époque, tout le monde menait l’enquête et il y a eu beaucoup de rumeurs. Avec le livre, on espère qu’on en aura levé quelques-unes.

Quelles sont les enjeux principaux lorsqu’on dessine une enquête ?
Nicoby : Le véritable enjeu est d’être clair quant au propos raconté. D’ailleurs, la plupart de nos corrections ont visé à améliorer la compréhension de chaque situation un tant soit peu technique.

Et comment se positionne-t-on alors ? Simple et fidèle exécutant ou œil neuf et critique ?
Nicoby : Le dessin se met complètement au service du propos. On colle à la réalité, là où une fiction permet beaucoup plus de liberté. Néanmoins, mon rôle consiste aussi à faire une bande dessinée, à proposer des ellipses et à réfléchir les cadrages pour insuffler du dynamisme.

Comment se sont construits les échanges entre vous et Renaud Saint-Cricq ?
Nicoby : De manière très décontractée ! En cas de divergence on discutait et nous sommes toujours arrivés à une solution qui nous satisfaisait tous les deux. On s’est peu vu, la période ne le permettait pas vraiment. Mais on s’appelait quotidiennement. Malgré le sujet, pas toujours réjouissant, on a bien rigolé durant la réalisation de l’album !

Pur produit des années 1970, Nicoby a vite compris qu’il ne serait jamais avant-centre du Stade Rennais. Qu’à cela ne tienne, il décide de devenir auteur de bande dessinée. En quelques années, il publie une quarantaine de livres, multipliant les genres, les styles et les formats. Abordant aussi bien l’humour avec Le meilleur ami de l’homme (collection Aire Libre), l’intimisme avec Mes quatre saisons (collection Aire Libre), ou la chronique sociale à travers 20 ans ferme (Futuropolis). En 2013, il signe chez Vents d’Ouest un touchant roman graphique sur un scénario de Patrick Weber : Ouessantines. Parallèlement, il entreprend de raconter la vie d’auteurs de BD en bande dessinée dans Dans l’atelier de Fournier (Dupuis) et participe à l’innovante Revue dessinée. En 2018, la collaboration avec Vents d’Ouest se poursuit, il y dessine alors le scénario de Patrick Weber dans Le sang de Sein, un puissant thriller breton où nos plus bas instincts s’exposent avec force et démonstration. La même année, il est invité à dessiner le scénario de Pierre-Roland Saint-Dizier pour Le signal de l’océan, un récit engagé pour la conservation du littoral. Nicoby réside à Rennes.

Renaud Saint-Cricq est scénariste et journaliste. Co-auteur avec Frédéric Gerschel du Journal du off (Glénat) sur les coulisses de l’élection d’Emmanuel Macron, et de Canal Sarkozy (Flammarion).
Il a été dix ans reporter au Parisien, rédacteur en chef d’émissions de télévision comme C à vous (France 5) ou 28 minutes (Arte) et jusqu’en 2019, directeur du développement de Maximal Productions (C dans l’Air, France 5).

Raphaëlle Bacqué est journaliste, scénariste et écrivaine française, actuellement grand reporter au Monde. Après des études de journalisme, de sciences politiques et de droit public, elle entre à l'AFP puis devient envoyée spéciale des pays de l'Est pour France-Soir. Elle écrit ensuite au Parisien et dans Marianne.

C'est là qu'elle commence à couvrir la politique intérieure française. En 1998, elle réalise sa première contribution au journal Le Monde. En parallèle, on la retrouve jusqu'en 2008 dans Le franc-parler, une émission de France Inter et comme commentatrice régulière de l'actualité politique de l'émission C à Vous diffusée sur France 5. En 2013, elle cosigne son premier scénario de fiction avec Silences d'État, un téléfilm diffusé sur France 2. En 2018, elle publie La Communauté chez Albin Michel avec Ariane Chemin. Cette enquête journalistique aussi précise que fascinante raconte l'évolution de Trappes, la ville détenant le record de départs pour le djihad. Patient zéro est sa première contribution à une œuvre en bande dessinée.

Ariane Chemin est une journaliste et essayiste française. Elle sort diplômée de Sciences Po en 1986 et devient journaliste au Monde. Elle commence comme contributrice pour la rubrique politique et société avant de devenir grand reporter. Après un fameux papier sur l’affaire Benalla, elle prolonge son travail par une BD : Benalla et moi, dessinée par Julien Solé et publiée au Seuil.

Elle écrit également des livres de société, plusieurs cosignés par sa collègue du Monde Raphaëlle Bacqué, à l’image de La femme fatale (2007), au lendemain de la défaite de Ségolène Royale, Les Strauss-Kahn (2012) ou La communauté (2018).

FRANCE CULTURE >>> Entretien avec Renaud Saint-Cricq autour de la création de la BD Patient Zéro.
FRANCE BLEU >>> Il a fallu travailler vite, mais ça tombe bien, c’est l’une des qualités du dessinateur breton Nicoby.
LE MONDE >>> La France sur la piste du patient zéro de R Bacqué et A Chemin : l’article qui a initié la création de la BD Patient zéro.