L'Ours en personne
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Le jour des songes d’Adeline Moreau ajoute un opus remarquable à la collection des Portraits de Mellionnec. Faut dire qu’elle y tient un client de choix en la personne de Gigi, le fondateur des Ours du Scorff, groupe mythique de comptines piquées d’une pointe de folie pour enfants de tous âges.
Toujours habité par l’écriture et le chant, Gigi est de plus en plus barré dans les volutes de sa cigarette, et se trimbale dans la campagne du Centre Bretagne comme dans un décor shakespearien au volant de sa bagnole. La réalisatrice se place à ses côtés, réceptrice et inspiratrice de ses propos, posant un cadre simple pour cette divagation entre ciel et terre, feuilles mortes avant nous et étang miroir de l’éternité.
LE JOUR DES SONGES
LE JOUR DES SONGES
un film réalisé par Adeline Moreau (2019 - 14')
Le jour des songes, un road movie dans lequel Gigi, fondateur des Ours du Scorff, nous transporte dans ses rêveries diurnes.
Road-movie avec salamandre
Road-movie avec salamandre
par Adeline Moreau
Lorsque je rencontre Gigi sur la terrasse de Folavoine à Mellionnec, il n’aura pas fallu deux heures pour que nous nous retrouvions, sa clarinettiste, lui et moi sur la route de Guidel. Il aime aller voir la mer régulièrement, manger des crevettes au restaurant. J’ai cru que mon film commençait là. Mais non, le lieu commun se place dans l'habitacle de la voiture, qu’il considère comme sa maison. Il y passe la plupart de son temps. Gigi me confie que c’est l’espace dans lequel il peut fumer des clopes. C’est donc très logiquement que la première qu’il allume est calée sur l’heure d’une de ses émissions de radio favorites, Les cours du collège de France présentée par Antoine Compagnon sur France Culture. Gigi, le psychologue thésard heideggerien aime écouter, à 5h du matin, les différents sujets traités, qu’il dit n’entendre nulle part ailleurs.
L’écriture est son sport quotidien, Gilbert Bourdin de son vrai nom, écrit des chansons pour enfants. Il est le fondateur du groupe Les Ours du Scorff. Le Scorff, rivière qui, à Lorient, va se jeter dans l’océan. La maison de Gigi surplombe ces sources. Les Sources du Scorff devient donc, à partir d’un jeu de mots, discipline dans laquelle Gigi excelle, Les Ours du Scorff.
Dans son Duster blanc que tout le monde repère dans le village, Gigi sillonne les routes de Mellionnec, d’un spot à l’autre, d’un étang à une terrasse de café. Il passe ses journées à se complaire dans un état de semi éveil qu’il aime tant. Il divague vers un ailleurs. Il cite La nuit des songes de Shakespeare pour définir cet espace temps qui se situe entre éveil et sommeil, entre jour et nuit. Cet espace qui laisse la place à des rêveries, la possibilité de transformer la réalité. Sa réalité qu’il rend floue, vaporeuse par les volutes de ses cigarettes. Il nous dit qu’elles rendent les contours moins définis, elles embrument les choses pour les sortir de leur assignation.
Dans sa réalité, l’imagination prend toute la place. C’est à partir de son imaginaire, que je crée mon personnage dans ce film. Gigi l’a nommée la salamandre à la tête de noisette. Cette silhouette au ciré jaune que j'incarne, le suit dans ses pérégrinations. C’est à elle qu’il raconte et fait écouter les enregistrements des chants de sa mère et ses copines dans le village de son enfance, dans le Morbihan. C’est également à cette salamandre qu’il chante des chansons dans le petit bois, c’est avec elle qu’il va marcher sur l’étang de Langouelan. Ce miroir des rêves, comme il l’appelle.
Dans cet état de somnolence dans lequel il aime se laisser flotter tout au long de la journée, cette salamandre n’est-elle pas le fruit de son imagination ?
BONBON SUR LE VÉLO
BONBON SUR LE VÉLO
par Pierre-Henri Allain
Et ce qui devait arriver arriva...
Pétri de culture populaire et féru de bicyclette, il fallait bien que Gigi Bourdin, grizzly en chef des Ours du Scorff, se fende un jour d'un mini tube à la gloire de la petite reine.
À l'heure du départ du Tour de France en Bretagne, le voilà, tout chaud, intitulé Bonbon sur le vélo. Sur un air populaire et un refrain entêtant à l'humour potache. Court et percutant.
Il faut dire que Gigi Bourdin, confectionneur hors-pair de chansons pour enfants avec les Ours du Scorff (Prix de l'Académie Charles Cros en 1995), et auteur de comédies musicales, en connaît un rayon. En tant qu'artiste mais aussi en familier du peloton.
Originaire du pays Vannetais, il grimpe très jeune sur un vélo pour disputer des courses dominicales sous le maillot vert de l'équipe Motoconfort. Il connaîtra même les honneurs de la plus haute marche du podium avec bouquets de fleurs dans les bras et bises de la reine sur les deux joues. Sans oublier les félicitations d'un prof d'Anglais qui l'avait pris en grippe découvrant le lendemain sa photo dans le journal.
Les cinq autres échappés avaient crevé, précise aujourd'hui modestement l'ex-vainqueur. Qui tentera également de damer le pion au futur champion Cyril Guimard, à Logonna-Daoulas, lors des Championnats de Bretagne cadets, mais hélas, échouera en déraillant dans la dernière côte.
Je passais surtout du temps dans le peloton, à regarder les filles sur le bord de la route, se souvient, non sans une pointe de nostalgie, Gigi. Nul doute en tout cas que celui qui aime toujours regarder le Tour de France car il trouve ça beau n'attendait qu'une occasion pour rendre hommage à sa façon, tendre et drôle, à la bicyclette.
Et il était plus que temps que l'ancien chanteur de fest-noz aux côtés d'Eric Marchand, biberonné aux histoires qu'on se racontait dans les longues veillées du pays vannetais, se mette à l'ouvrage pour nous concocter un hymne qui, à défaut de les faire pédaler, pourrait enflammer les foules.
Pour ce faire, il s'est adjoint le concours du producteur et musicien multicartes Nicolas Rastoul, avant de réunir chez Bertrand Dupont, le boss du Label Innacor, à Langonnet (56), une vingtaine de choristes en herbe enrôlés en dernière minute dans le village. Ça s'est fait très simplement, raconte Gigi. On a bu des coups en mangeant une tranche de pâté et on a enregistré en à peine une demi-journée.
Le résultat est là : imparable !
Adeline Moreau
Adeline Moreau
Adeline Moreau travaille depuis près de 10 ans comme photographe-réalisatrice. Des premiers clichés avec un vieux boîtier argentique jusqu'à l'écriture documentaire, photographe et réalisatrice, elle ne s'est jamais vraiment éloignée de la prise d'image. Après un Master en information et communication conclu par une année au Mexique, elle se lance dans la photographie de spectacles et fait ses premiers pas, en tant que photographe bénévole, dans quelques salles de concerts à Nantes. En 2012, elle quitte l’agence de communication dans laquelle elle travaillait pour se lancer en indépendante, se former au média vidéo et se consacrer à la création visuelle dans le domaine de la culture. Au sein du collectif Clack qu'elle a co-fondé, elle participe à la réalisation de clips, teasers et/ou captations de spectacles, suivis d’artistes ou de compagnies.
16 octobre 2022 10:13 - Maryline Millet
Tres touchant de sincérité et de simplicité