Le Quatuor à cornes
L’histoire du Quatuor à cornes est revigorante.
Elle commence en 2002 par une série de livres pour enfants, signés Yves Cotten, tirés depuis à des dizaines de milliers d’exemplaires chez Beluga - Coop Breizh. Parmi les jeunes lecteurs, Nina, la fille du producteur Jean-François Le Corre… C’est ainsi qu’une seconde vie a démarré pour ces bovines demoiselles, une vie de stars du grand écran ! Trois réalisateurs différents ont adapté autant d’albums, qui en 2D, qui en stop motion (volume animé). C’est ainsi que par la magie du cinéma, la renommée des vaches éprises de liberté s’est emballée !
Du papier à l'écran
Du papier à l'écran
Thierry Prat, photographe et ami de Yves Cotten, a suivi la genèse de En liberté, le huitième album de la série, au moment où l'équipe de Vivement Lundi ! travaillait à l'adaptation au cinéma d'animation de quatre albums de l'auteur. Voici l'histoire en deux vidéos.
Un quatuor, trois regards
Un quatuor, trois regards
Le Quatuor à cornes
par Benjamin Botella
Ce midi, j’ai rendez-vous avec Jean-François Le Corre et Mathieu Courtois, deux producteurs que je connais bien pour avoir travaillé avec eux sur de nombreuses productions. Un projet dont ils souhaitent me parler. Le projet, Jean-François l’a sous le bras : c’est un livre. Un livre pour enfant, La clef des champs, écrit et illustré par Yves Cotten. Je ne connais pas cet auteur, pas plus que ses ouvrages. Jean-François me le tend et m’explique : il souhaite le porter à l’écran. En faire l’adaptation animée. Je le feuillette alors pour mieux comprendre l’adaptabilité qu’il y a décelée. J’y découvre quatre petites vaches sympathiques, au graphisme malin, aux tempéraments bien différents. Quatre héroïnes sur quatre ou deux pattes, selon, en proie à un sérieux désir d’aventures, destination... la mer.
Pour transposer en animation cette histoire illustrée, la production a déjà trouvé celle qui en fera l’adaptation littéraire : Nathalie Dargent. Joli choix, car tout le monde sait que la mer a des reflets Dargent. Ne manque plus à l’aventure de ce quatuor que le metteur en scène de l’épopée, le dessinateur de leur animation. Je comprends que Jean-François et Mathieu m’en proposent la réalisation. Je n’ai jamais travaillé avec eux en tant que réalisateur.
Je me replonge dans le livre pour une lecture plus attentive, puis deux, puis trois. Le quatuor à cornes de ce Cow-trip to the sea ou road-Meuhvie vers la mer a un réel potentiel, c’est évident. Tout en conservant une morphologie commune, les personnalités différentes de Rosine, Aglaé, Clarisse et Marguerite, tant diamétralement opposées que complémentaires, offrent un potentiel de dialogues évident, dans la gamme des sentiments, de la tendresse au rire, de la peur-de-tout au même-pas-peur, de la méfiance à la curiosité, de la défiance au défi. Conquis, j’accepte la proposition qui m’est faite.
Bien sûr, il faudra repenser le graphisme en vue du format télévisuel de l’aventure. Je rencontre Yves Cotten et conviens avec lui des adaptations à apporter aux personnages pour ce nouveau support. Nous conservons l’idée qu’elles passent de quadripède à bipède selon, qu’elles sont en de nombreux points humanisées, que nous ne touchons pas au graphisme de leurs courbes et couleurs. Pour des raisons de reconnaissance et différenciation liées aux images animées, Clarisse, Aglaé, Rosalie et Marguerite verront les couleurs et motifs de leur tête modifiés. Le panel d’expression des bouches conservera les codes graphiques mis en place par Yves dans les livres, mais s’harmonisera pour une fluidité de diction heureuse, triste, neutre ou colérique.
Les différents regards des personnages prendront part à l’expressivité de chacun selon la situation. La morphologie des quatre vaches étant similaire, nous mutualiserons ces bouches, yeux, bras, jambes, cornes et queues. Seules les couleurs changeront, ainsi que la manière pour chacune et selon sa caractérisation, de se mouvoir, se tenir ou se comporter. De nouveaux personnages sont nés dans le script de Nathalie, comme la mouette Gaël.
Par rapport aux albums, les décors ont subi de plus amples modifications, se privant de contours, et tirant graphiquement d’avantage vers des décors peints, plus réalistes, à l’image de certaines japanimations. La lisibilité des personnages n’en est que meilleure.
À l’instar du livre La Clef des champs, l’animation et la composition des scènes s’habillent de lumières irisâtes - assumant les flairs dans certains plans, de mises au point et bascules au flou, de focales courtes parfois jusqu’au grand-angle.
Nous avons utilisé le logiciel d’animation 2D ToonBoom Harmony. Les possibilités d’une animation de type pantin doublée d’une animation plus traditionnelle ont permis de concevoir au mieux la manière nonchalante, pataude, furtive, anthropomorphe ou cartoonesque de se mouvoir de nos héroïnes.
Dorothy la vagabonde
par Emmanuelle Gorgiard
Dans un univers pimpant, Dorothy la vagabonde pose la question de l’acceptation de l’autre dans sa différence. J’aime que le récit d’Yves Cotten focalise sur des différences qui sont à même de faire écho chez des enfants, avec la problématique de la différence des poils entre la vache bretonne Pie Noire, bien peignée, et la Highland plus ébouriffée. Les parents de jeunes enfants aux cheveux frisés (ou roux) savent à quel point la chevelure peut générer dénigrements et conflits.
Il faut parfois du temps pour renoncer à ses préjugés. Croyant jouer, le quatuor enchaîne les remarques blessantes envers Dorothy.
En respectant les codes de l’écriture pour enfants, je joue avec la maladresse de ce quatuor qui va progressivement abandonner ses a priori et comprendre que le monde ne s’arrête pas aux limites de leur champ.
Le volume animé est une technique idéale pour explorer le thème avec délicatesse et drôlerie car les marionnettes et le cinéma d’objets suscitent facilement l’empathie du jeune public, du fait de leur proximité avec l’univers des jouets. Le passage des livres vers le volume a déterminé mes choix artistiques et techniques. Si l’on reconnaît les têtes des ruminantes originelles, mes vaches portent des robes (au sens vestimentaire du terme) et je leur ai ajouté des socquettes qui achèvent de leur donner un petit côté enfantin.
Mon adaptation explore la candeur des protagonistes. Aglaé, Clarisse, Marguerite et Rosine donnent la réplique à Dorothy, la vache à la longue chevelure rousse et dont l’accent scottish est à couper au couteau. Si dans l’album Dorothy est seulement victime du scepticisme et des moqueries du quatuor, l’adaptation la charge de quelques défauts qui nourrissent le conflit : cette aventurière perd un peu vite son flegme british et sa confiance en elle sous les moqueries du quatuor.
Aglaé la pipelette
par Pascale Hecquet
Le projet d’adapter le livre Aglaé la pipelette en film, tout en revisitant les personnages de Yves Cotten, m’a intéressée. J’ai toujours aimé les déclinaisons graphiques de personnages récurrents qu’on reconnaît au premier coup d’œil, même sous les traits d’un autre auteur. Ses vaches sont très typées, avec chacune son pelage spécifique et son caractère. Elles m’ont paru attachantes. On se focalise ici sur Aglaé et sa manie d’accumuler les mots jusqu’à rendre saoules ses copines de pré.
Comme dans le livre de départ, ces flots de mots prennent une place graphique et envahissent au propre comme au figuré ses interlocuteurs. Le travail d’animation permet une nouvelle palette de jeux et offre d’autres perspectives au récit.
L’humour n’empêche pas l’histoire de se terminer sur une touche de tendresse et nous rappelle que, parmi ce dédale de mots, ceux qui comptent vraiment sont bien trop souvent tus. Parole d’Aglaé !
BENJAMIN BOTELLA
BENJAMIN BOTELLA
Formé à l’Université Rennes 2, Benjamin Botella débute dans l’animation en animant la bande-annonce du festival Travelling Banlieue en 1994. Il enchaîne en animant de nombreuses réalisations en stop motion chez Vivement Lundi ! et JPL Films. À partir de 2005, il passe à la réalisation sur la série La Cour des gants (production JPL Films pour France 3 Bretagne) puis il enchaîne avec Les Schlacks, nouvelle série en langue bretonne coproduite par JPL Films et France 3 Bretagne. En 2011, il est chef lay-out décors sur la série Pok&Mok réalisée par Isabelle Lenoble pour France 3 et Canal+ (78 x 7’, coproduction Vivement Lundi ! / Gaumont Animation). En 2013, il réalise et crée l’univers graphique de Le Monde selon Malo (35 x 2’30’’, coproduction JPL Films / France 3 Bretagne). En 2014-2015, il dirige l’animation de Bienvenue à Bric-à-Broc. Il va achever la réalisation de la série Coquilles (10 x 3’) pour Studio4 - France Télévisions en 2018.
EMMANUELLE GORGIARD
EMMANUELLE GORGIARD
Diplômée de l’école des Beaux Arts de Rennes, Emmanuelle Gorgiard a travaillé comme décoratrice sous la direction de nombreux metteurs en scène de théâtre français et suisses. Elle découvre l’animation en 1996 et réalise la série Bêtes comme choux en 1998 (sélectionnée au Festival d’Annecy) puis une adaptation du Cid de Corneille en marionnettes animées en 2006.
Emmanuelle a travaillé comme décoratrice sur de nombreuses productions en marionnettes animées comme le court métrage Oh Willy... (plus de 80 prix internationaux dont le Cartoon d’or 2012) ou la série Dimitri. Elle a également travaillé comme formatrice et chargée de cours à l’Université Rennes 2.
Emmanuelle Gorgiard parle de son travail dans la série les Métiers du cinéma (coprod Zoom Bretagne - KuB)
PASCALE HECQUET
PASCALE HECQUET
Graphiste, illustratrice et réalisatrice de films d’animation, Pascale Hecquet est l’auteure de huit courts métrages qui ont fait le tour du monde dans les festivals et ont reçu de nombreux prix. Les plus récents sont sortis au cinéma en France et en Belgique dans des programmes de courts métrages des Films du Nord et de La Boîte. Elle a produit : La Carotte géante dans le programme Le Parfum de la carotte (2014, 205 000 entrées France et Belgique), La galette court toujours dans La Chouette, entre veille et sommeil, (sorti en octobre 2016, 220 000 entrées), La Loi du plus fort et Le Pingouin dans La Fontaine fait son cinéma (sorti en mars 2017, 71 000 entrées). Maman de deux enfants, Pascale prête une attention particulière au cinéma pour le jeune public, avec la volonté à la fois de faire rire et d’aborder avec fantaisie des sujets importants pour les enfants
tels l’entraide, la solidarité, le partage, l’esprit de famille. En 2017, Pascale Hecquet a réalisé deux clips pour Piwi+ à l’occasion de la fête des mères et de la fête des pères, sur des chansons d’Alexandre Brouillard et Laurence Deydier.
YVES COTTEN
YVES COTTEN
Yves Cotten est né en 1967 à Quimper. Il a suivi des études d'arts plastiques à l'université de Rennes II. À partir de 1994, il est illustrateur indépendant pour la presse magazine et des agences de communication. En 2003, il devient dessinateur permanent de la revue Vocable (en anglais, allemand et espagnol). Depuis 2002, il est aussi auteur et illustrateur de livres pour enfants, dont la série Le Quatuor à cornes aux éditions Beluga-Coop Breizh (huit albums publiés à ce jour).
En 2009, il commence à enseigner comme professeur d'arts plastiques en collège, tout en conservant une activité d'illustrateur.
En 2017, il revient en Bretagne pour de nouveaux projets artistiques (éditions et expositions).
Source : livres à Vannes
Petites vaches sur grand écran
Petites vaches sur grand écran
FILMS EN BRETAGNE, Christian CAMPION >>> C’est tout d’abord l’histoire d’une série à succès de livres pour enfants, Le Quatuor à cornes. Huit albums qui racontent les aventures de quatre vaches malicieuses, aussi différentes par leur comportement que par leur robe. La vache est un animal familier. À la fois rassurant et nourricier. Elle rassure les Terriens, c’est bien pour cela qu’ils parlent de plancher des vaches, sourit d’un œil malicieux Yves Cotten, le créateur des textes comme des dessins.
OUEST-FRANCE >>> Trois réalisateurs se sont emparés de l’univers d’Yves Cotten. Benjamin Botella, a mis en image, le voyage des vaches qui quittent leur piscine à pissenlits pour aller voir la mer.
TÉLÉRAMA, Pascale PAOLI-LEBAILLY >>> La qualité de l’animation et de l’écriture, qui file avec humour la métaphore animale, est à la hauteur.
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