La teuf, exutoire

free party epsylonn

Échapper à l’anxiété en faisant la fête, entrer dans une transe individuelle et collective, délirer, c’est à cela que servent les raves parties. Une soupape de sécurité pour endiguer la rage et le désespoir d’une jeunesse en temps de crise. La rave est une catharsis, un défouloir pour tourner le dos à la noirceur de l’époque, pour se prouver qu’on peut se rebeller, ne pas entièrement se soumettre au conformisme social. La popularité de la rave est le signal d’un bouillonnement, une alerte sur le vide politique dans lequel se trouvent ses adeptes qui cherchent dans la fête un sentiment d’appartenance à un groupe social qui pulse à l’unisson, dans l’instant présent.
Dans Les raves d’Epsylonn - Otoktone, Erwan Le Guillermic et David Morvan ont su capter l’ambiance de ces rassemblements et leur esprit, à travers les témoignages d’une demi-douzaine de pratiquants.

Les regarder, les écouter est essentiel à la compréhension d’une certaine jeunesse en quête de nouveaux repères.

BANDE-ANNONCE

LES RAVES D’EPSYLONN - OTOKTONE

de E Le Guillermic et D Morvan (2021 - 52’)

Retrouvez ici la bande annonce de cette oeuvre (les droits de diffusion sur KuB sont arrivés à échéance).

Depuis trente ans, tous les week-ends, les forêts et les friches industrielles de nos cités accueillent une jeunesse au son de la techno. Pendant quelques heures ou quelques jours émerge, ex-nihilo, une zone en dehors du monde avec ses codes et ses règles propres. Étienne, Sonia, Loïc, Aurélie, Tony et Damien sont quelques-uns des irréductibles bretons qui ont tout donné à cette passion devenue mode de vie. Après quinze années à sillonner la Bretagne, la France et l'Europe, leur sound system Epsylonn - Otoktone organise une dernière teuf. Le temps d'une fête, le film explore la quête libertaire qui anime cette frange de la jeunesse et son besoin de s'affranchir du poids de notre société.
>>> un film produit par Aligal Production

INTENTION

Un espace de liberté

par Erwan Le Guillermic

organisateurs raves epsylonn
©Aligal Production

Lycéens, nous nous retrouvions dans l'appartement d’Arnaud, l’aîné d’entre nous, nous fumions des joints et évitions de trop penser au lendemain. Un soir, Erik arrive lumineux : une fête étrange doit se tenir quelque part en forêt. La BX d'Arnaud nous mène bravement jusqu'au parking de rendez-vous, mais il n'y a plus personne, nous arrivons trop tard. Deux longues heures s'ensuivent à chercher un indice entre Paimpont et Campénéac jusqu'à ce que tout d'un coup, oh miracle, un son lointain nous mette sur la piste d'un sentier. Trois heures du matin nous y sommes. Quelques heures plus tard nous ne sommes plus les mêmes. Nous percevons des choses insoupçonnées, rions comme jamais et sommes bien incapables de rentrer. En découvrant la fête, nous découvrons aussi une utopie,


celle d'espaces libérés des codes que nous connaissions jusqu'alors. Tout cela a occupé certains d'entre nous pendant quelques mois, d'autres un temps beaucoup plus long. Pour moi, ce fut quelque part entre les deux. Depuis, vingt-cinq ans ont passé. Et tous les week-ends des fêtes techno sauvages ont encore lieu. Le phénomène perdure et me semble très révélateur du besoin d’exutoires de la jeunesse, de son aspiration à s'extirper d’une société toujours plus corsetée.

D'un point de vue sociologique mon film s'intéresse à une frange de la jeunesse un peu en marge. Souvent des vies de famille compliquées, des cassures dans l'enfance, des clashs à l'adolescence et des parcours scolaires chaotiques en péri-urbanité. On arrive ici rarement par hasard. Aller en free-party c'est entrer dans un monde offrant un grand lâcher prise. Toute la construction sociale requise à l'extérieur n'est alors plus qu'un lointain souvenir. Les jeunes qui vont en teuf ne se métamorphosent pas pour sortir. Au contraire, ils laissent s'exprimer leur identité propre. Mais aller en teuf est une expérience transgressive qui se joue sur un fil. L'expérience de la bulle de liberté maximale passe souvent par la consommation de produits psychotropes avec les dangers inhérents. Des rêves de transe initiatique aux délires introvertis, les histoires d'addictions et d'accidents sont légion.

Pour ce film j'ai décidé de m'intéresser non pas à de simples teufeurs consommateurs de fêtes, mais à des organisateurs, des acteurs clés du mouvement. Epsylonn est un sound system créé par une vingtaine de jeunes Finistériens qui voulaient faire de la musique. Après quelques années à sillonner le 29, ils se rassemblent sur un terrain autour d'un grand hangar proche de Rennes, installés dans une quinzaine de camions aménagés. C'est un sound system dont l'intégrité est reconnue en France et en Europe. Ils ont traversé le gros temps : l'explosion de la came dans le milieu free-party, plusieurs décès, deux saisies de leur matériel par les forces de l'ordre. C’est un groupe que je connais depuis longtemps. Une confiance existe entre nous. Ils savent l'esprit de mon film et y ont donné leur accord. Se pose pour autant la question de mon positionnement en tant que filmeur. Tout du long je vais garder une distance critique afin de les pousser à se livrer sur des thématiques qui les bousculent. Je veux obtenir une parole sans faux-semblants sur ce que leur a apporté quinze années de vie en marge. Depuis deux ans que j'ai initié mon projet de film, progressivement la situation a évolué pour la plupart des membres du groupe. Après quinze ans de fête, il sera bientôt temps pour eux de cesser d'être aux avant-postes. Mais avant cela, il leur faut clôturer leur histoire en beauté.

La Bretagne occupe une place toute particulière dans l'histoire de la free. Elle a été, avec Paris, la première région touchée en France. Aujourd'hui encore, les Monts d'Arrée et la Zone 51 à Brocéliande sont certainement les endroits avec les plus fortes concentrations de fêtes techno sauvages au monde ! Je souhaite explorer cette spécificité bretonne qui repose d'abord sur la proximité avec l'Angleterre d'où les précurseurs Spiral Tribe furent chassés sous l'ère Thatcher avant de trouver refuge chez nous. Une spécificité qui s'explique également par un esprit de la fête très profondément ancré dans notre région.

Mon film est basé sur une unité de temps, celle de la dernière fête Epsylonn. Le film débute dans la fête et s'y termine. Pour autant je prévois au montage d'incorporer tout du long des séquences en flash-back sur des moments clés de la vie du groupe. Ces séquences me permettront de montrer comment ils en sont arrivés là, comment cette dernière fête est le fruit de toute une histoire. À travers l'itinéraire du groupe, en filigrane, c'est une bonne partie de l'histoire de la free party, vue de l'intérieur, que je fais apparaître.

BIOGRAPHIE

Erwan Le Guillermic et David Morvan

Erwan Le Guillermic et David Morvan

David Morvan et Erwan Le Guillermic sont auteurs-réalisateurs. Ils coréalisent des documentaires pour la télévision depuis 2005, notamment pour les magazines Littoral et Thalassa : Haro sur le bar (2010), Les seigneurs de la sardine (2013) ou encore Sale temps pour le chalut (2015). Le travail des deux réalisateurs est marqué par leur prédilection pour les films historiques et culturels comme L’incendie (2014) sur l’incendie du Parlement de Bretagne ou encore J'irai graffer sur vos murs (2017) qui plonge dans l'univers des graffeurs rennais. En 2003, ils fondent DMLG Production, une société installée à Rennes.


Passionné de voyages et de cultures d’ailleurs, Erwan est avant tout curieux de l’autre. Après Sciences Po, Erwan revient vivre à Rennes en 2003 pour y écrire ses films qui questionnent la Bretagne. Son sens de l’écoute en fait un intervieweur à qui on aime se confier.
Féru de culture et notamment de musique, son esprit critique et sa capacité à remettre en question l’existant font de David un réalisateur qui sort des sentiers battus et affectionne particulièrement mêler interviews et images d’archives.

REVUE DU WEB

Free party

FRANCE CULTURE >>> Le sida, le racisme, la drague lourdingue et la crise ont vidé les discothèques. Mais la jeunesse veut toujours changer le monde et danser pour défier la mort. L'arrivée de la techno va donc inaugurer une façon clandestine et alternative de faire la fête, pour rejeter à nouveau la société de consommation.
OUEST-FRANCE >>> Dans leur documentaire, Erwan Le Guillermic et David Morvan reviennent sur cette soif de liberté, cette école de la vie comme ils témoignent, la communauté où l’énergie se démultiplie, avec aussi la confrontation à ses propres contradictions.
KONBINI >>> Si la fête libre a connu son apogée dans les années 1990, elle vit actuellement une véritable recrudescence. Comme si le sentiment de liberté offert par ces soirées clandestines était un vrai besoin face à une société de plus en plus restrictive. Jérome Clément-Wilz a décidé de consacrer son dernier documentaire Quand tout le monde dort à ce phénomène.

COMMENTAIRES

  • 19 juillet 2022 16:24 - Mickael

    Ça a l'air bien votre idée....comment on fait pour suivre vos événements ou vous aider comme bénévole?

  • 6 juillet 2021 23:28 - jp

    moi qui n'y suis quasiment jamais allé, j'ai envie d'y retourner!

CRÉDITS

auteur Erwan Le Guillermic, David Morvan
réalisation Erwan Le Guillermic
image David Morvan

montage David Morvan
étalonnage Arwestud films
mixage Henry Puizillout, L’oreille du chat

coproduction Aligal Production, Tébéo, Tébésud, TVR
avec le soutien de la Région Bretagne

Artistes cités sur cette page

Erwan Le Guillermic et David Morvan

Erwan Le Guillermic et David Morvan

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