Dans ma poche

Instant de poésie en bords de mer où se redessinent les contours de Matthieu Tillaut avec Dans ma poche, clip minimaliste. La peau du chanteur se mue en carte postale où s’agite une nature colorée : le port et les côtes de Groix. Entre les cordes de sa guitare l’on devine le souffle d’un vent en symbiose avec la mélodie pop. Sur fond noir, il apparaît dans un halo de lumière, les yeux clos et la mine statique. Sur les traits de son visage se confondent la mer, le vent, le mouvement d’un phare et celui d’un bateau. Sa propre silhouette aussi, parfois, qui marche sur la côte. Des images poétiques, des photographies qui s’animent sur sa face, comme une projection qui nous dévoile un souvenir de voyage que l’on raconte ici en se passant de mots ou d’anecdotes. Le corps de l’artiste redevient le véhicule d’un discours intime, et c’est une belle peinture de Groix qui prend vie sous les notes et les aspérités de Dans ma poche.

Tout le clip est construit selon la technique de la double exposition, magnifique superposition d’images qui vient accompagner une chanson française aussi sobre qu’envoûtante. Une technique que l’on retrouve depuis quelques années, remise au goût du jour par le générique de True Detective, mais qui avait perdu en splendeur et en subtilité. Elle est en effet devenue un graphic trend redondant et impersonnel, majoritairement publicitaire et tape à l’œil. Matthieu Tillaut lui redonne ici une véritable sensibilité et renoue avec l’origine surréaliste de cette technique, à la base synonyme d’expérimentation et de créativité photographique. On renoue avec cette idée de lier la silhouette à un environnement plus grand et de l’inscrire dans un univers qui se fait alors le sien. C’est soudain la nature qui s’insère dans le corps et non l’inverse ; le corps qui devient le décor, littéralement. On recrée du discours, une certaine poésie, dans l’intimité d’un fond noir, avec un Matthieu simplement filmé « dans la cave », sans artifice ni fioriture. On retrouve également, en observant ces images, l’émotion que l’on peut ressentir à se perdre dans la contemplation d’un tableau et le clip nous rappelle la manière dont Magritte a, lui aussi, exploité cette technique dans sa peinture, en intégrant des paysages à l’intérieur des silhouettes de ses toiles.

Ainsi l’univers n’est plus un arrière plan mais fait corps avec nous-même. À nous d’être en symbiose avec ce que nous sommes, le monde qui nous entoure, la nature que nous habitons. Dans ma poche propose d’ouvrir une mince porte sur le rêve, sur la mémoire, la somme de toutes les choses qui nous rendent entier. Le corps se retransforme en un objet à lire, à entendre, existentiel ; la possible incarnation visuelle de ce que nous sommes.