Plier
PLIER
un film de Sébastien Durand (2004)
Plier repose sur un audacieux postulat de départ pour une œuvre à venir, hommage au cinéma surréaliste (Buñuel et Cocteau, avant-guerre). Tourné sur pellicule, revisitant la palette des trucages primitifs, le film est construit sur un monologue, écrit par Owen Sichez et susurré par Thomas Cloarec, un texte qui tourne autour du complexe du comédien, son désir irrépressible d’être regardé et l’angoisse que ce désir ne soit pas assouvi. Par un jeu subtil de montage en miroir, l’homme se mue en femme, hantée par la même obsession. Aimer se montrer et plonger dans le regard des autres. Sur un plateau, dans la rue, dans un film.
La rue, Plier s’y plaît, avec de beaux travellings dans la ville de Brest, de la rue Jean Jaurès au pont de Recouvrance. Le soliloque se poursuit à propos de la subjectivité du spectateur et de l’accumulation féconde dans notre imaginaire des mille et un films déjà vus. Je pense à partir de ce que j’ai déjà entendu. Comme un double de la voix omniprésente, la guitare électrique de Jacques Henry improvise elle aussi son phrasé solitaire.
SEBASTIEN DURAND
Né à Brest en 1975, Sébastien Durand est photographe et réalisateur. Après des études de sociologie et la création d’un ciné-club étudiant, il part pour un voyage à travers l’Afrique de l’ouest, avec la compagnie de théâtre Les filles de la pluie. Durant six mois, il photographie et filme le quotidien de ses compagnons de voyage et des gens qu’il rencontre, à la manière d’un journal intime. A son retour, il cofonde la société de production Myria prod. Il réalise et produit plusieurs courts métrages dont le film Plier qui reçoit le prix de la fiction courte au festival de cinéma de Douarnenez en 2005. Il a été chargé d’enseignement en cinéma expérimental à l’Université Rennes 2 pendant trois ans. Ses derniers films s’intéressent aux relations qu’entretiennent les Habitants avec leur ville (Moncontour, Lorient, Brest) et mêlent photographies, vidéo et interviews audio.
Quelques films de Sébastien Durand : 914 âmes (en cours) – A Lorient de tout (2013) – Chère…Brest (2006) – Repère (2005) – Plier (2004) – Pur Fantôme (2003) – L’envie (2002)
Les visages portent de l'énergie et des émotions
Sébastien Durand : J’ai très vite voulu faire des films, même à l’époque où je n’avais pas de caméra. Alors, avec un appareil photo, j’ai fait des images collées les unes à côté des autres pour raconter une histoire. C’était comme un roman-photo tiré d’un film qui n’existait pas et un premier travail photographique.
Dans la continuité de mon travail de photographe et portraitiste, j’aime par dessus tout filmer les visages. C’est ce qui me donne envie de faire du cinéma. Ils portent une force charismatique, de l’énergie et des émotions. Dans Plier on ne voit pas le visage du narrateur mais une multitude d’autres visages. Ils sont le miroir d’une vie protéiforme et les preuves d’une existence partagée avec d’autres. Qui suis-je ? Celui que je crois être, ou celui que l’autre dit que je suis ? Moi qui me regarde ou moi à travers le regard de l’autre ?
J’ai proposé à Owen Sichez d’écrire le monologue intérieur d’un comédien qui attend sa réplique et s’interroge sur son rapport aux autres. Nous étions très influencés par le théâtre. Lui était comédien et moi photographe de plateau. C’est à partir du texte que j’ai imaginé les scènes, les images. Le son est venu beaucoup plus tard. J’ai monté Plier comme un film muet. Le montage devait fonctionner indépendamment du son, comme le silence d’une photographie.
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