Vaudeville animalier
Avec Tati Ramitsu, Victoria Vancells nous sert une comédie en pâte à modeler animée, une gâterie pleine de colorants et d’émulsifiants.
Tati, son chat et le véto constituent un triangle amoureux vaudevillesque, plein de surprises et de déconvenues. La réalisatrice y va sans complexe dans l’expression de la libido humaine, assez carnassière, quand l’animal fait montre d’une certaine philosophie. Déjantés donc, la Tati et le véto, débridés, prêts à tout pour assouvir leurs impérieux désirs dans un récit qui nous gratifie d’ellipses et de cadrages tout ce qu’il y a de plus insolite.
TATI RAMITSU
TATI RAMITSU
de Victoria Vancells (2012 - 10’)
Tati Ramitsu, une petite vieille exubérante et délurée, vit avec son chat Ernest. Victime d’un accident domestique, Ernest se retrouve chez un étrange et mystérieux vétérinaire. Tati tombe littéralement sous le charme de ce dernier. Afin d’approcher et de séduire l’élu de son cœur, Tati subit un changement comportemental radical et devient alors le bourreau de son chat en lui livrant une guerre sans merci.
>>> un film produit par JPL Films
Une réalité bien cruelle
Une réalité bien cruelle
par Victoria Vancells
Tati Ramitsu est un nom de guerre autant qu’un diminutif affectueux. J’ai pensé à toutes ces mamies à la fois charmantes et acariâtres, pleines de malice et d’énergie, jouant de la provocation et du caprice, et qui mènent une vie d’enfer à leur entourage. En même temps, les personnes âgées savent combler leur solitude en adoptant ce que les Anglo-Saxons nomment des pets, animaux domestiques entre l’animal et l’humain. Mais rien ne remplace un vrai humain, ni un vrai amoureux. Voici donc une histoire pour rire (en grinçant des dents), sans autre prétention que le divertissement, avec un arrière-fond de réalité bien cruelle, mais qui souhaite rendre hommage, sur le terrain de la marionnette animée et du décor en volume, aux ancêtres Wallace et Gromit, au cartoon et à la dynamique de son langage.
Il est vrai que le sujet, la relation des êtres humains avec les animaux familiers, est poussé ici jusqu’à l’absurde, dans un sens comme dans l’autre (amour et haine). Inutile de mettre trop d’exemples en évidence, mais nous sommes sans doute, malgré la caricature, au-dessous de la réalité. Les vêtements à la mode et les jouets pour toutous, la place que ces petits compagnons occupent au sein de la maison, y compris dans le lit de leur propriétaire, les visites chez le psychologue, et les cimetières dorés donnent une petite idée du délire humain… Rien d’étonnant que des histoires de jalousie, de frustration et tutti quanti se greffent alors métaphoriquement sur des histoires en apparence très anodines. Allô Sigmund ? Rien d’étonnant non plus donc, à la manière des Titi et Gros Minet, à ce que les personnages s’entre-déchiquètent, se massacrent, pour resurgir dans la seconde qui suit, réanimés par le talent des animateurs et les dérapages excessifs de leurs passions. C’est ça l’amour dérangé. Si par hasard un lecteur voyait quelque effusion de violence physique dans ce petit film, il devinerait rapidement qu’il ne s’agit que de la transposition mentale d’une malheureuse et banale réalité.
Dans le domaine du volume animé, façon Nick Park et Wallace et Gromit, les truquages transposés du dessin deviennent de véritables tours de force. Le jeu de la lumière et de la prise de vue, offrant au genre cartoon une vivacité particulière, nous rapproche par ailleurs des Méliès et autres magiciens, autant que des Monthy Python et Superman. Comme tout héros de dessin animé, Tati ne capitule jamais et revient sans cesse à la charge. La chute du film accompagne cette force de caractère. Tati trouve un artifice, et devient un animal.
Victoria Vancells
Victoria Vancells
De nationalité franco-espagnole, Victoria Vancells vit entre Marseille et Barcelone. Après des études de lettres et de théâtre, elle se tourne vers l’animation en volume. Après plusieurs expériences dans son atelier, elle participe en tant qu’animatrice, décoratrice et technicienne des effets spéciaux à la réalisation de publicités en stop-motion en Espagne. Dans certaines de ces publicités, elle anime un personnage de vieille grand-mère délurée, Tati Ramitsu. En 2005, le réalisateur Jean-Louis Bompoint sollicite Victoria pour coréaliser, avec Yannick Tarsac, le générique de fin du documentaire Mr Raimu est un génie, une œuvre à part entière où un buste en glaise représentant Raimu se métamorphose de personnage en personnage.
En 2009, Victoria Vancells propose son premier film professionnel, un court métrage sur son personnage de Tati Ramitsu au Carrefour de la création du Festival d’animation d’Annecy. Elle remporte ainsi le prix Arte et débute la production du film au sein des studios JPL Films à Rennes.
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