Time
Dépaysement garanti, dépaysement de tous les sens et dans tous les sens.
Le cinéma, c’est souvent une affaire de travelling. Adage confirmé pour Timsters et le clip planant de Time qui nous accorde, tout en épure, un bref moment d’éternité. Le mouvement du clip est simple, son principe encore plus : des paysages d’Asie défilent à travers la vitre d’un train, d’une voiture ou d’un bus. Le haut de l’image est un reflet en miroir de ce défilement continu. Par cet écho visuel, la route déjà exotique devient irréelle, envoutée par les nappes du premier titre de Timsters. Un principe simple mais entêtant, lancinant. Ici, le minimalisme est un humanisme.
Time est un hymne au mouvement et à la fuite, mais à une fuite paisible, sans but ni rancune, et surtout sans contrainte. Visuellement c’est flagrant : la direction de cette vidéo est définitivement laissée à la contingence, au hasard du mouvement, aux aléas d’un effet miroir et à la simplicité d’une caméra collée sur une vitre. On semble un instant passer à travers la glace pour toucher du doigt cet autre monde, inversé, semblable au nôtre et pourtant… Un certain réconfort se dégage de cette passivité. Nous nous faisons les spectateurs de ce voyage en contrées lointaines, tacitement soumis au mouvement et voué à nous égarer. L’unique guide de cette évasion : une voix déformée qui résonne au loin, répétitive, comme quelqu’un qui voudrait nous sortir d’un demi-sommeil. Time est l’incarnation formelle d’un road-trip (avec emphase sur le trip), un délire visuel porté par une route sans destination. Un voyage d’autant plus mental que Timsters nous livre ici un souvenir, un vrai, le clip étant un assemblage de vidéos captées lors d’une tournée en Asie en 2015. Un souvenir et donc par définition une vision de la réalité mais déformée, fantasmée, presque imaginée, puisque la vie n’est jamais la même quand on la rejoue après coup.
Le mouvement d’un bus et le paysage qui défile sont finalement parfois aussi poétiques qu’un morceau de musique. La magie de la composition réside dans ces intervalles où un paysage menace de s’effondrer sur l’autre pour finalement repartir, léger, en suspens. La brutalité est absente, au pire tout se mélange, se transforme, et l’horizon est une symbiose. La mélancolie se voit donc légère, spleen apaisant, et c’est comme se replonger dans un vieux souvenir que de fixer ce défilement aussi dépaysant que proustien. Un défilement cher au cinéma, puisqu’il est son premier mouvement. Time résonne tel un morceau que l’on aurait entendu toute notre vie, accompagné d’un pays auquel on aurait rêvé la nuit dernière, et l’on s’imagine la tête contre cette vitre, à regarder la vie suivre son cours. La promesse – tenue – est visuelle autant que musicale : des instantanés, une rêverie, une certaine liberté. Une manière de produire et de penser la musique dont ce clip-souvenir, personnel et élégant, en est le reflet. Qu’importe le flacon, la place dans le train ou dans le bus, pourvu qu’on ait l’ivresse : le dépaysement de Timsters est garanti, le dépaysement de tous les sens et dans tous les sens. Time to let you go.
Margaux Dory
TIME de Timsters
TIME de Timsters
Réalisé par Julien Vignon (2016 – 3’59)
À LA RECHERCHE D'UNE TERRA INCOGNITA
À LA RECHERCHE D'UNE TERRA INCOGNITA
Au cinéma comme en littérature, la fiction est souvent le chemin le plus sûr pour s’approcher de la vérité. C’est aussi vrai pour la musique. Timsters l’a très bien compris, lui qui a décidé de raconter une histoire basée sur ses fantasmes et de s’inventer à partir de cette précieuse matière première.
Un scénario qui passe aujourd’hui par la création de son label : Elephant & Castle. Un endroit dont l’ambition est d’être un carrefour balayé de courants d’air, un lieu de passage, de mélanges et de mouvements, comme la station de métro londonienne qui lui donne son nom.
Dans un geste passionné, Timsters provoque les rencontres, fait se télescoper des univers disparates et suscite les collaborations. Il fait de son label un navire dont l’équipage pourrait avoir comme objectif la recherche d’une terra incognita.
JULIEN VIGNON, L’HOMME-CLÉ !
JULIEN VIGNON, L’HOMME-CLÉ !
Julien (qui ne fait aucune publicité de son nom) a réalisé la musique et le clip de Time. Il a tourné ces images en Asie lors du French Miracle Tour 2015 (où jouait aussi KoKoMo qui est passé dans Le Grand BaZH.art, l’émission culturelle copilotée par KuB). Il est Timsters, le « groupe » et Elephant and Castel, le label expérimental et pop, qui a également signé avec le groupe briochin We are Colorado.
Sur le soundcloud d’Elephant and Castel, il est écrit : EAC001 est le premier épisode d’une série de titres expérimentaux, instantanés et le plus souvent collaboratifs. Ces tracks peuvent être vus comme des rêveries, des voyages visant à s’affranchir des délais souvent contraignants qui précèdent une sortie classique.
Il est bel et bien temps de voyager
Il est bel et bien temps de voyager
Perspective Parisienne>>> Le clip aux images simples mais travaillées nous indique qu’il est bel et bien temps de voyager. Même de nous évader.
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