L'humanité au travail
Travailleuses, Travailleuses ! repose sur les témoignages de femmes qui tentent, tant bien que mal, de gagner leur vie.
Sonia Larue et Erika Vandelet ont su établir avec elles une connivence qui les a amené à se révéler. Ces entretiens ont été une opportunité de déposer ce qui pour certaines d'entre elles relevait du cauchemar et de la partager avec nous. Des histoires qui parlent de l'état des choses aujourd'hui, et viennent résonner avec les propos d'Octave Mirbeau dans son Journal d'une femme de chambre (1900), incarnée dans le film par Erika Vandelet.
Le titre du film est un clin d’œil à Arlette Laguiller, ancienne figure de proue de Lutte Ouvrière, le parti trotskiste. Mais la réalisatrice traite son sujet loin de tout manichéisme. Ce n'est pas les patrons contre les employés, ni les hommes contre les femmes. La question qui chemine tout au long du film est plutôt : que faisons-nous de notre humanité quand nous travaillons ensemble ? Comment faire pour concilier travail et vie personnelle ? À ces questions, peu nombreuses sont celles qui trouvent une réponse satisfaisante.
Travailleuses, Travailleuses ! est le premier documentaire de Sonia Larue, une réalisatrice qui jusque-là s'adonnait à la fiction. Le film est pétri de son expérience de la direction d'acteurs et de la mise en scène.
TRAVAILLEUSES, TRAVAILLEUSES !
TRAVAILLEUSES, TRAVAILLEUSES !
un film de Sonia Larue (2018-54')
Cinq femmes du Pays de Lorient, coiffeuse, secrétaire, maraichère, serveuse et directrice financière évoquent la passion, le stress, le manque ou la fatigue que leur inspire le travail, à la fois source d’émancipation et d’aliénation.
Un jour, elles ont tenté de s’affranchir de leur servitude et de réinventer leur vie au travail. Mais leur liberté a parfois eu un prix.
Leur histoire se déroule sous le regard attentif de Célestine, la petite bonne du Journal d’une Femme de Chambre d’Octave Mirbeau.
>>> un film produit par Olivier Bourbeillon, Paris Brest
Étonnées d'avoir une histoire
Étonnées d'avoir une histoire
par Sonia Larue
À la fin de l'été 2015, Erika Vandelet, comédienne et metteure en scène, souhaite réaliser des portraits de femmes témoignant de leurs expériences de travail. Elle imagine intégrer leurs paroles dans son adaptation théâtrale du Journal d'une Femme de Chambre d'Octave Mirbeau, dans lequel elle jouera Célestine.
En tant que femme au travail, sa proposition m'enthousiasme immédiatement. Écrit en 1900, le roman de Mirbeau dépeint les rapports de domination d'une société alors en pleine mutation. Placée comme femme de chambre chez les bourgeois, Célestine y décrit son point de vue sur le monde au sein duquel elle évolue, celui des maîtres et des petits.
À l'automne 2015, nous rencontrons et filmons des femmes de notre territoire – sud Bretagne – à travers plusieurs associations. Toutes issues d'un milieu modeste, elles travaillent ou ont travaillé dans les métiers de service. Leurs témoignages nous permettent de donner naissance à de courts portraits, dont les paroles intenses font écho à celles de Célestine.
La création a lieu en novembre 2016. La pièce de théâtre mise en scène par Erika s'appelle Les Confidentes.
Pour ma part, j'ai noué des relations privilégiées avec certaines de ces femmes. Elles ont parfois parlé plusieurs heures dans ces entretiens introspectifs, qui leur ont révélé – à leur grand étonnement – qu'elles avaient une histoire. Une histoire de travail, qui surgissait en se racontant. Et c'est ce qui m'a touchée le plus, je crois : leur étonnement à se découvrir personnage. Que leur histoire a une valeur. Et par conséquent, qu'elles en ont une aussi. Ce qui me frappe aussi, c'est que leur histoire est mouvante, à l'image d'un monde en pleine mutation.
Jeu de miroir avec Célestine, à travers laquelle le monde d’il y a un siècle transparaissait lui aussi.
Pour ces femmes, leur travail est d'abord une forme d'émancipation : il faut gagner sa vie. Elles mettent tout en œuvre pour le faire bien. Il a du sens. Enfin, il en avait. Car ce que disent leurs mots, massivement, c'est la perte de sens de ce travail. Manque de reconnaissance. Sentiment d'inutilité. Rentabilité comme ultime horizon. Asservissement aux chefs, aux chiffres, aux décisions qu'elles trouvent stupides mais sur lesquelles elles n'ont pas la main. Il n'y a pas de satisfaction au travail. Elles se sentent effacées. Et dans cette perte de sens du travail naît un sentiment de servitude. En cela, leurs mots expriment quelque chose de notre époque : une quête de liberté ; un désir d’être soi.
Sonia Larue
Sonia Larue
Sonia Larue est née et a grandi à Saint-Denis. Elle quitte Paris pour la Bretagne en 2004 après avoir passé plusieurs années à assister des réalisateurs tels que Tony Gatlif (sur Transylvania), Pierre Jolivet ou Diane Bertrand. Elle commence à écrire ses propres films, ancrés dans ce nouvel environnement. Ainsi sont nées plusieurs fictions (Rosalie s’en va, 2007 ; L’enfant Do, 2010 ; Du grain à moudre, 2014), un film expérimental (Lettres Rebelles) et un documentaire (Travailleuses, travailleuses !, 2018). Elle a également travaillé aux castings de longs métrages de cinéma tournés en Bretagne et à de multiples collaborations dans l’écriture de scénarios, la photographie et le théâtre.
À la recherche de Célestine(s)
À la recherche de Célestine(s)
LE TÉLÉGRAMME >>> Rencontre avec Katia, travailleuse saisonnière, la benjamine du casting et sûrement la plus lumineuse. Je l’ai filmée dans les serres à ramasser des tomates sur des kilomètres. Des tâches répétitives et un travail physique, ingrat presque, qui pourrait en rebuter plus d’un. Mais Katia aime ça, commente Sonia Larue.
VOSGES TÉLÉVISION >>> Reportage autour de la pièce de théâtre Les Confidentes d'Erika Vandelet.
TÉLÉRAMA >>> Histoire et adaptations du Journal d'une femme de chambre. Aux origines, Mirbeau va mal : il doute de son talent littéraire et c’est un peu l’épée dans les reins (celle de son éditeur) qu’il consent à livrer, en feuilleton, la première mouture du Journal d’une femme de chambre à L’Écho de Paris, en 1891. Ce Journal est donc celui d’une chambrière, qui raconte les épisodes de sa vie professionnelle et intime, révélant du même coup les mœurs de la bourgeoisie dans les maisons où elle sert.
COMMENTAIRES