Le temps d'une nuit
Un parchemin fluo sur lequel s’écrivent des romances furtives.
David Bowie chantait never gonna fall for modern love, au contraire de Vincha, le rappeur songeur aux milles visages, qui nous y invite avec son nouveau clip Le Temps d’une nuit. Il continue là sa peinture hip-hop-pointilliste des contradictions d’une génération prise le cul entre deux chaises IKEA, entre le chic et le swagg. Focus ici des samplers sur l’amour moderne, moins 80’s que celui de Bowie et dans la langue de Molière, ou plutôt d’MC Solaar.
Haut les cœurs et bas les ventres ! Vincha et Alma nous entraînent dans une épopée nocturne et chevaleresque qui laisse en rade la princesse et son charmant, puisqu’ici point de titre, il n’y a que le désir. Au petit matin, le carrosse peut bien se faire citrouille puisqu’il n’était pas question de promesses ou d’élixir éternel. À l’inverse de Bashung, dans cette nuit-là, on ne ment pas, et l’amour de Vincha ne donne que ce qu’il a. Pas question de lutte puisque sur ce fond noir, il n’y a ni gagnant ni perdant, pas de tableau des scores et l’on oublie le vieux refrain du Winner Takes It All. Ici la générosité prime : des corps prétendants se proposent sous une lumière irréelle et arrangeante, sous un meilleur jour qui a plutôt des allures de nuit arrosée. Des amours possibles et qui défilent, comme on swipe sur Tinder avant de trouver chaussure à son pied, pour un rencard où la pantoufle de vair a plus une gueule de Nike Air. Lorsqu’enfin les amants se touchent et le western conjugal s’amorce, le duel disparaît au profit des chairs qui s’immergent et se confondent, de gros plans en surimpressions, dans des nuits renversées et (dé)culottées.
Bien loin de l’esthétique gangsta et bling-bling du genre, cet élégant clip haïku-érotique repose sur la réalisation gonflée d’amour de Paul Marques Duarte, qui filme avec pudeur ces apologues épidermes, ces parchemins fluos sur lesquels s’écrivent des romances furtives. Une calligraphie des sens où le toucher, le goût et l’olfactif viennent remplacer les longs discours et les sornettes en sonnet. Le jeune réalisateur nous livre une habile célébration, sucrée comme des bonbons, de l’amour sous toutes ses formes, d’un désir de toutes les couleurs et sans tabou. Sa mise en scène épurée, en sfumato arlequin, vient déballer le nouveau paradigme de ces amours dévêtues, tous sexes confondus, exemptées du conformisme latent de la prophétie étiolée du « couple », ciment d’une religion dont les adeptes deviennent malgré eux les brebis égarées. Heureusement, le bel espoir de ces jeunes lucioles multicolores vient déchirer le noir et mettre à mal les pensées opaques, pour affirmer que le temps de l’aventure est le même que celui d’une nuit.
C’est aussi le temps d’un clip, qui s’inscrit dans un élan cinématographique salvateur visant à balayer sous le tapis les vieilles figures du couple idyllique so white et so straight. On repense à la bourrasque créée par le Bang Gang d’Eva Husson, qui avait envoyé valser les codes du film d’ado avec ses orgies colorées et décomplexées. Résonne également le tout récent belly-love-clip de Juveniles, venu apporter sa pierre pop à l’édifice avec Love Me Forever, qui dépeint la relation naissante et sexuée entre deux femmes aux ventres ronds. L’amour, à l’écran, semble ainsi reprendre vie, et de la gueule, non sans quelques faux-pas mais avec un grand sourire scotché au visage.
LE TEMPS D'UNE NUIT de Vincha
LE TEMPS D'UNE NUIT de Vincha
un clip réalisé par Paul Marques Duarte (2017 - 3'20)
Noir. La lumière se fait tour à tour sur plusieurs corps qui se dévêtissent et s’unissent. Vive et colorée, cette lumière frappe la peau et illumine les corps, tandis que mains et lèvres se rejoignent. Au fil de la musique, les néons vifs et colorés viennent découvrir ces couples d’une nuit. Puis chacun reprend ses affaires et quitte le lieu sans un adieu. Paul Marques Duarte
QUI DIT MIEUX ?
QUI DIT MIEUX ?
Qui dit mieux ? est signé Vincha, le rappeur le moins hardcore du 93 mais pourtant droit dans ses baskets, à l'aise. Un album personnel, drôle, touché par la grâce, entre émotion et dérision et sur des sons concoctés essentiellement en binôme avec Tom Fire. On pense parfois à Akhenaton (pour l'emploi de mots précieux et qui sonnent), mais aussi à l'Oxmo Puccino des débuts pour ce goût de la narration, ce storytelling rapologique. Entre hip-hop et mélodies, Vincha raconte sa vie, dont sa naissance et évoque sa maman de façon émouvante et drôle à la fois (Lapis-Lazuli). Thème récurrent de cette collection de chansons : l’amour. Vincha a le sens de la formule lorsqu’il évoque les soirées où « tout le monde fait mine de ne pas remarquer qu’il manque un truc au tableau » en parlant d’idylles pas idéales (Il Viendra). Mais l’amour, est-ce la vie en couple ? (123 avec Emilie Gassin au refrain) avec des couplets tristement adaptables à la réalité de beaucoup de couples. Ainsi vont les chansons de Vincha : du réalisme, une pointe de rigolade désabusée et une plume qui ne recule pas devant les (grands) sentiments, évitant les clichés et les attitudes macho que trop de rappeurs d’aujourd’hui affectionnent. Olivier Cachin
LA GOUAILLE DU VIEUX PARIS POPULAIRE
LA GOUAILLE DU VIEUX PARIS POPULAIRE
RFI >>> Il a voyagé de l’Afrique à l’Amérique du Sud jusqu'à la Chine. Il a été professeur de français à La Serena, au Chili. Le rappeur Vincha, avec Hippocampe Fou et quelques autres, rend au rap à textes son lustre, vingt ans après Obsolète de MC Solaar. Son second album, Qui dit mieux ?, présente onze titres drôles, autobiographiques – et excellents.
Télérama >>> Un phrasé hip-hop qui ne craint pas de s'essayer au chant ; un environnement musical qui n'élude pas la mélodie ; des textes certes construits sur le rythme, mais qui ne cèdent pas tout au dogme de la punchline. En l'occurrence, les mots de Vincha sont plus tendres que politiques, plus intimes que revendicatifs, plus peace and love que no future ; et portent la gouaille du vieux Paris populaire plutôt que les codes des banlieues HLM.
Longueur d'ondes >>> Petite pépite passée inaperçue, le second projet du rappeur révélé en 2011 par la chanson Les p’tits seins tient ses promesses de par sa fraîcheur. Les compositions musicales, assurées en majorité par Tom Fire, oscillent entre électro, chanson française, reggae et confèrent au disque une couleur moderne, dynamique, aérienne et parfois mélancolique.
23 juin 2017 22:36 - Barthélémy Lienard
Super clip, superbe chanson...j'adore! Tres original et frenchy!!