Gavotte ar braz

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Yuna Le Braz, alias DJ Wonderbraz, fait tomber les cloisons ; entre chant traditionnel breton et sonorités actuelles, entre un barde du Kreiz Breizh et un rappeur sénégalais. Tout cela s’enchaîne et se répond avec le plus grand naturel. Il naît du mariage entre ces deux courants musicaux quelque chose d’autre et d’identique à la fois.

GAVOTTE AR BRAZ de Turbo sans visa

de Yuna Le Braz et Thierry Salvert

Un courant d’air frais passe dans cette gavotte, la pulsation est communicative et l’écoute ravivée. Un pur moment de bonheur… nostalgique toutefois, car ce flow musical est mixé à un flot d’images du passé, heureuses mais en voie de dégradation : les outrages du temps sur la pellicule, la diffraction des couleurs, des altérations qui font qu’on regarde ces moments de grâce avec le sentiment que tout cela est devenu inaccessible, tout comme ces chants menacés de disparition.

La chef cuistot qui concocte aux platines ces musiques qui secouent la carcasse, c’est DJ Wonderbraz (Yuna Le Braz), elle-même entourée d’une sacrée brigade :

VJ Badgreen (Thierry Salvert) qui remet inlassablement le couvert avec ses bouts de films dénichés aux quatre coins du monde et retravaillés en rythme,
Marion Gwenn qui fait monter la sauce sur les textes en bretons d’Erik Marchand,
le rappeur sénégalais K-Smile qui fait revenir textes en wolof et en anglais,
et pour assaisonner le tout, les envolées free style du flûtiste Gurvan le Gac.


Hors Catégorie

Yuna Le Braz sort les genres musicaux de leurs catégories géographiques ou stylistiques. Elle ouvre ainsi d’autres pistes, procurant d’autres sensations, créant des atmosphères, métissant sans relâche les sources et les grammaires musicales. L’une de ces sources, essentielle, inspiratrice de ce projet musical, c’est la voix d’Erik Marchand, connu pour ses multiples collaborations avec des musiciens du monde entier, tissant des ponts avec Hameed khan, Thierry Robin, le Taraf de Caransebes, Okay Temiz, Paolo Fresu, Rodolphe Burger, et des musiciens de Bretagne aujourd’hui incontournables comme Jacky Molard ou Jacques Pellen.

S’ajoute à ce mixage, un montage d’images d’archives et de vidéos glanées ici et là, à la manière d’un carnet de voyages surréaliste et sans frontières : films amateurs (scènes de mariage, bal), extraits de documentaires, créations plus personnelles du vidéaste Thierry Salvert. Il ne s’agit pas d’illustrations mais de regards croisés et décalés. Les images d’Europe de l’est, de Bretagne ou d’Afrique se mélangent les unes aux autres dans un bazar organisé. Elles sont transformées comme la matière l’est par un plasticien, les histoires et les mots par un écrivain, le corps et ses mouvements par un danseur.

Le projet Turbo sans visa part de l’expérience des trois artistes, en se posant à l’intersection de ce que la sono mondiale véhicule, en faisant se nouer le traditionnel contemporain et les inventions sonores des nouveaux rituels (DJ’ et VJ’). Il s’agit ici de traverser certaines musiques qu’ils ont pu travailler, chacun dans son parcours, d’Europe de l’Est, du Maghreb, d’Afrique Noire et de Bretagne. C’est donc une appropriation, une exploration des musiques d’aujourd’hui-d’hier, le trait d’union indiquant la réciprocité des deux temps, à travers une double création sonore et visuelle, n’en faisant plus qu’une : le son DJ’ et l’image VJ’.

BIOGRAPHIE

YUNA LE BRAZ

Une artiviste indisciplinée

L’histoire de Yuna racontée par le conteur écrivain Gérard Alle (revue par Éric Premel)

À Paris, c’est elle, Yuna, qui envoie les scuds que personne n’a jamais vus passer. On lui demande : C’est quoi ce truc ? – Ha ! Ha ! Si j’te disais, tu m’croirais pas ! Yuna mixe. Elle est dans la musique. Comme d’autres la font. En y étant, elle la fait ! Yuna programme. Yuna manage, aussi. Des centaines de dates avec No One is Innocent, Les Ténors de Brest, Gnawa Diffusion, des festoù-noz endiablés à l’Élysée Montmartre…

Yuna a 19 ans, quand elle aligne neuf heures de mix non stop dans un bar du port, A l’Abri du Vent, en Bretagne, à Douarnenez. La tempête souffle dans les têtes. C’est le genre de fête qui ne veut pas s’arrêter, qui se poursuit et te poursuit longtemps, longtemps après. Pendant cette nuit de carnaval, Yuna devient Wonderbraz, une DJ qui a de la conversation…

Yuna voyage toujours, comme elle a toujours voyagé. Et elle ramène des musiques, des copains et des ananas. Au retour, elle fait écouter, elle fait goûter. On lui demande : C’est quoi, ce truc ?… Ha ! Ha ! Devine…


Trois ans après la première nuit de tempête Wonderbraz, avec sa bande, Yuna fait tomber une pluie de Zardines sur le port sardinier breton. Les Arts dînent à l’huile, un festival pour transmettre, faire découvrir, expérimenter, décloisonner. Un port invité, à chaque fois, avec ses sardines en tenue d’été. Brésil, Sénégal, Portugal, Maroc, Marseille… Yuna aime les rencontres. Elle aime aussi croiser les disciplines…

Un jour, Yuna regarde un grand bâtiment abandonné, celui des Affaires maritimes, petit port à l’extrême Ouest de l’Europe. Comme un symbole de la pêche en chute libre et de la pêche qu’il va falloir retrouver. Le pouvoir cloisonne, récupère, subventionne. L’artiste fait péter les murs. Alors, Yuna investit la Friche avec ses copains plasticiens. Occupation. Négociations. Installations.

Entre les Zardines, la Friche et les soirées DJ, Yuna vit dix années intenses, de rencontres et d’expérimentations.
Quand la Friche et les Zardines scissionnent, elle ramasse les pots cassés pour les transformer en Miettes de Baleine, ce sera le nom d’un nouveau lieu, une galerie associative à Douarnenez, avec Roberto Cedròn l’Argentin, et Serge, le peintre expert en vaches neurasthéniques.
À un moment, on la voit à Cotonou, à monter un festival de musiques urbaines africaines.
À un autre, on la croise à Marseille.
À un autre on ne sait plus où elle est. Elle revient. Elle revient toujours et chaque fois différemment.

Elle a bien un endroit où elle se pose, le sien, mais où est-elle donc le reste du temps ? Et le reste est vaste, moins que le temps, mais vaste quand même.

Le temps : elle le façonne. À sa manière. En amour, en combat, en conviction, en colère, en apprentissage, en recommencements, en coups de foudre, en doutes, en paniques -toujours surmontées, comme si elle était l’inventeuse de l’adrénaline- en tentatives perpétuelles d’être juste selon son état d’âme et son sentiment haut porté de la fidélité, en assistante sociale underground des cas d’espèces, en ivresses où l’on perd tout, sauf le sens de la navigation solitaire, en orpheline qui apprend à ne pas l’être, ou qui croyait l’être, en verbes hauts et tranchés, en mots directs, uppercuts nécessaires pour défendre sa peau, la peau de celles ou ceux qui lui sont chers. En éclats. Et en errances quelques fois. Juste un peu.

Yuna est ainsi, une sorte de successions de ciels, donc de cieux, en perpétuels révolutions, malmenés, calmes puis agités, clairs et obscurs, avec des pénombres enlacées. C’est là qu’elle devient DJ, rare femme où les petits ou grands mecs sont rois, qu’elle devance sans cesse, parce qu’elle a un duende particulier, cette sorte d’instinct rare, cette amplitude du sensible et du goût, cette capacité unique de l’altérité, sans leurre, sans barouf, juste avec la vérité vraie de quelqu’un qui cherche l’autre, les autres, jusqu’à la moelle, jusqu’à l’os, jusqu’au cœur.

En 2010, elle rejoint le collectif des Ateliers du Vent à Rennes, qui développe, une aventure artistique hors normes, où se croisent théâtre, musique, écriture, arts plastiques… Des gens merveilleux. Et un lieu où elle se sent à merveille !!!

Yuna, tout ce temps-là, est devenue Wonderbraz.

Elle tape le ping-pong musical avec Sal Ricalde, de Tijuana, le Dizzy Sound System, ou mixe avec le vidéaste Thierry Salvert. Avec Erik Marchand, chanteur à l’écoute du monde, elle s’éclate et ça se voit, quand ils balancent de la musique de l’Est, à fond la caisse.

Wonderbraz, c’est aussi du sur-mesure thématique, pour un évènement, un festival. En fait, tout est prétexte pour aller à la pêche aux musiques inattendues.

Wonderbraz tire les gens de leur bulle. Wonderbraz tire les gens de leur pull.

Wonderbraz peut balancer aussi bien de la pure techno, du hip hop, du rock, que faire voyager le chaland, le mener en bateau, au Brésil, en Afrique, en Turquie, en Roumanie…

Mais à un moment ou un autre de la soirée, y’a toujours un type qui se pointe et qui demande, mine de rien, l’œil rivé sur son décolleté : Au fait, Yuna, c’est quoi ce truc, la musique que tu passes, là ?

COMMENTAIRES

  • 1 juin 2020 09:14 - Nikido

    Merci à KUB pour cette découverte !

  • 5 mai 2019 09:18 - Typhaine

    Bel article. Bien inspiré par les vents

Artistes cités sur cette page

Thierry Salvert - purée dure - expérimental

Thierry Salvert

Yuna Le Braz Wonderbraz gavotte ar braz identitée bretonne

Yuna Le Braz

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