Les jolies colonies de vacances

de Marine Gautier (2022 - 52’)

Quelque part sur les rives du golfe du Morbihan, des jeunes que tout semble opposer, à commencer par leurs origines sociales, se rencontrent le temps d’une colonie de vacances, où ils vont se découvrir, s’apprivoiser, grandir ensemble.

>>> un film produit par Laurent Alary et Éric Jarno, Tell Me Films et Pays des Miroirs.

par Marine Gautier

Je suis une enfant des colonies de vacances. J’y ai passé tous les étés de mon enfance et de mon adolescence. Étant fille unique, les colos m’ont appris à vivre en groupe, à trouver ma place dans un collectif, à m’affirmer. Elles ont vraiment participé à qui je suis aujourd’hui. Mais le plus important, ce sont bien les rencontres. La mixité, c’est découvrir les vies des autres, et c’est ça qui donne une autre dimension à sa propre vie. Jusqu’au début des années 1990, les colonies de vacances ont permis un brassage social, réduit ensuite par l’arrivée d’opérateurs privés. La fréquentation a elle aussi décru en raison de l’allongement des congés payés, la baisse de confiance dans les équipes encadrantes liée aux affaires de pédophilie, l’augmentation du nombre de divorces qui entraînent une garde partagée pendant l’été ; des grands-parents plus enclins à accueillir les enfants, des municipalités contraintes de vendre leurs structures d’accueil… Ces mutations m’ont donné envie de raconter la colo,

qui pour certains est une occasion de grandir avec d’autres, d’origines sociales, géographiques, culturelles différentes. Avec ce film, je voulais montrer que la mixité sociale génère une énergie de groupe extraordinaire, révèle des personnalités, permet de tisser des amitiés improbables qui balayent les préjugés. Les colonies de vacances sont probablement l’un des espaces qui favorisent le plus le vivre-ensemble. Comment être en mesure de relever les défis sociaux et environnementaux des années à venir si nous ne nous connaissons pas ? Ces questionnements ont nourri l’idée de ce film.

Aujourd’hui le marché des vacances sépare, avec des séjours à fortes thématiques qui séparent filles et garçons. Des séjours luxueux sont réservés à une catégorie aisée de la population. Des séjours adaptés se multiplient pour accueillir les enfants porteurs de handicap. Chacun est à sa place. Rassuré par la ressemblance. On ne grandit pas ensemble. Contrairement à ce mouvement, l’association Wakanga se bat pour garantir une mixité, en collaborant avec la CAF, l’Aide sociale à l’enfance et des travailleurs sociaux. Dans ces séjours, ce sont les jeunes qui décident du programme de leurs journées. Ils ne sont pas passifs, à consommer des prestations prévues à l’avance. Cela entraîne une certaine simplicité qui me plaît beaucoup, et qui offre du temps pour la rencontre. Je suis allée à la rencontre de chacun des participants, on a passé du temps ensemble, je leur ai raconté qui j’étais, pourquoi je voulais faire ce film et ils m’ont raconté leur vie. Dans ce temps-là, je les ai aussi filmés et ils ont pu manipuler et jouer avec la caméra. Si bien qu’au moment du séjour, elle faisait partie du décor. Il y avait aussi des moments où nous étions juste là, sans tourner. La caméra n'était pas loin, prête à saisir un moment particulier. Je pense que c’est dans la singularité des parcours et des personnalités que l’on peut embrasser la subtilité d’une situation. Je crois que ces récits intimes peuvent incarner de façon saisissante l’époque dans laquelle nous vivons.

Née en 1991 en Seine-Saint-Denis, Marine Gautier est réalisatrice de documentaires, diplômée du master Documentaire, écriture du monde contemporain. De shit et d’air pur, sorti en 2016, présente un jeune banlieusard qui effectue son travail d’intérêt général dans une ferme ; Pourquoi pas moi ?, sorti en 2019, raconte l’histoire d’un groupe de lycéens en Seine-Saint-Denis qui préparent le concours dérogatoire d’entrée à Sciences-Po, réservé aux établissements sensibles, et 12 jours ensemble, sorti en 2022, suit des adolescents en colonie de vacances. Ces films interrogent la place de la société dans la construction des individus et se concentrent sur l’intime pour évoquer l’époque de façon sensible.

LE MONDE >>> Que reste-t-il de la mixité sociale des colonies de vacances ? Le brassage social des colonies de vacances ne s’opère plus. Une offre inégalement répartie sur les départements et une baisse globale de la fréquentation des colonies de vacances en France.

CAIRN >>> De l'entre-soi familial à la sociabilité : un enjeu pour les vacances des enfants et des adolescents. Restriction des modes de vacances : Les enfants et les adolescents issus de la classe moyenne ne partent plus qu’en famille.

FRANCE CULTURE >>> Comment favoriser la mixité sociale ? Un cas d'école, Bondy. Lutte pour un brassage socio-ethno-culturel au sein de l’École républicaine par la création de projets collaboratifs avec des structures extérieures.