L'art hors institution

WAR devant la fenêtre avec verdure Anatomie d'un corps urbain

Anatomie d’un corps urbain est un film-manifeste pour le maintien de l'art urbain subversif et non institutionnel. S’emparer des murs c’est ne pas laisser le monopole de l’esthétique aux publicitaires et aux constructeurs immobiliers. Le graffiti est une sorte de débordement de la face non officielle de la société, celle qui conteste, ne se soumet pas aux standards de l’ordre établi qui impose son décor optimisé, insipide aussi. Et puisque l'art urbain ce n'est pas que des gribouillages, émerge aussi l’idée de musée informel. Les murs de la ville sont des pages blanches qui n’attendent qu’à être remplies. En ce sens Anatomie d’un corps urbain est aussi un film encyclopédique qui fournit une utile mise à jour sur ce bouillonnement créatif qui accouche ici et là de véritables œuvres d’art.

BANDE-ANNONCE

ANATOMIE D'UN CORPS URBAIN

de J-B Gandon et R Volante (2018 - 52’)

Retrouvez ici la bande annonce de cette oeuvre (les droits de diffusion sur KuB sont arrivés à échéance).

Le narrateur, observateur éclairé du graff, regarde sa ville comme une galerie à ciel ouvert. Mais le statut de ces œuvres éphémères est pour le moins ambigu. D’un côté, le graff comme acte de vandalisme toujours sévèrement sanctionné, de l’autre une pratique artistique encouragée par les pouvoirs publics car considérée comme un objectif d’enrichissement culturel et esthétique de la ville. À ce moment particulier de l'histoire du graff, le film s’immerge dans l’univers de WAR et croise la route de trois autres street artistes pour mieux questionner les fondamentaux du street art et interroger la mutation en cours.

>>> un film produit par Candela Productions et France 3 BRETAGNE

INTENTION

Au détour d’un mur surgit une œuvre

smartphone photo graff anatomie d'un corps urbain

par Richard Volante

Aujourd'hui le graff fait partie de nos vies. Il compose avec nous, nous composons avec lui. Ce pouvoir visuel du street art et l’attrait qu’il exerce sur les habitants expliquent sans doute que les municipalités s’intéressent de plus en plus à ce phénomène. Mais cela ne saurait tout expliquer. L’institutionnalisation du street art n’est-elle pas une réponse des politiques au besoin de contrôler et maîtriser ce qui se passe dans l’espace public ? Une question qui en appelle d’autres : un graff autorisé est-il toujours un graff ? Est-on encore libre d’exprimer tous les messages dans un espace règlementé par les pouvoirs publics ?


Chaque artiste est théoricien de sa propre pratique, invitant la doxa à se forger sa propre praxis. Ainsi, si l’effervescence qui touche le marché du street art témoigne d’un intérêt certain, ses lignes restent à définir et de nombreuses interrogations subsistent, aussi bien sur le plan moral que juridique.

Cet engouement pour le muralisme contamine des dizaines de villes à travers le monde. Chacune se constitue un véritable musée à ciel ouvert. C'est le premier mouvement artistique qui concerne toute la planète et auquel le monde entier participe. Jamais auparavant dans l’histoire de l’art un mouvement n’avait produit une telle onde de choc, sauf peut-être le rock’n roll.

La ville comme toile de fond. La nuit comme studio de tournage, avec ces éclairages précis qui donnent une dramaturgie, une direction d'écriture dans les différentes séquences, avec ses entrées et ses sorties, ses contrechamps. Le jour pour ancrer, retrouver la réalité du présent, séquencer, faire le lien. L'atelier : brut, direct, le ventre, le nid, secret, caché, sale et intriguant. Le foutoir organisé, où se construisent, se détruisent des œuvres parfois juste fantasmées et d'autres qui prendront bientôt les murs d’assaut.

Le film prend la forme d’une enquête menée par un connaisseur du milieu qui manie le verbe comme d’autres les bombes de peinture. L’enquête nous conduit vers des indices qui font avancer la réflexion vers la résolution non pas de la vérité car il n’y a pas de vérité à trouver, mais au moins de questions soulevées aujourd’hui par la pratique du street art. C’est aussi un clin d’œil à la relation qu’entretiennent les artistes avec la justice : ce jeu du chat et de la souris est présent dans le film.

GENÈSE

Une passion commune

contempler la ville anatomie d'un corps urbain

par Richard Volante

C’était la fin des années 80. J'habitais dans le 13e arrondissement, rue Albert. Dans mes promenades pour rejoindre le cœur palpitant de la capitale, je passais soit par la rue Watt, soit par le pont de Tolbiac. Sur la droite avant d'arriver au pont, se trouvaient d'anciens entrepôts frigorifiques abandonnés aux squatteurs et surtout aux graffs. J’étais fasciné par cette concentration graphique qui semblait vivante tant j'avais l'impression en passant une à deux fois par mois qu'elle se modifiait. Des images apparaissaient, d'autres s'éclipsaient.


Cette quête m'a appris à regarder un peu plus haut ou un peu plus bas, de biais, de travers. Peut-être ai-je retrouvé un jour ces traces ou cru en reconnaître. Les artistes du graff sont ces êtres furtifs qui prennent la ville, insaisissables. Mon envie est là : les capturer sans les trahir, les écouter, donner les clefs mais garder les secrets.

Jean-Baptiste Gandon donne vie à sa recherche, par sa silhouette mais surtout par sa voix : une voix qui raconte, qui questionne, qui s'interroge. Un point de vue subjectif qui introduit, qui se positionne, qui guide : les graffitis, le street art et tout ce qui fait sens sur les murs sont devenus le fil rouge de mes voyages, de mes déplacements...

Une voix qui ouvre les portes. Le narrateur est voyageur, passionné de street art, collecteur de photographies. Comme contaminé par un virus, il maîtrise l'histoire du street art en général et plus particulièrement celle de Rennes. En amont de ces rencontres il y a ses pensées, ses réflexions qui sont autant de questions : Les street artistes sont les chroniqueurs d’un monde lancé à un train d’enfer. On le devine. Il est la colonne vertébrale du film.

PORTRAIT

WAR, artiste paradoxal

requin derrière war anatomie d'un corps urbain

À un moment où tout s’accélère et où le street art s'affiche dans les villes, Richard Volante et Jean-Basptiste Gandon saisissent la réflexion de WAR sur sa pratique. En tant qu’artiste d’atelier, à l’occasion de sa première exposition Pour vivre heureux, vivons tâchés, laquelle a fait se déplacer les foules, des visiteurs de tout âge qui se sont arrachés ses œuvres. En tant qu’artiste voyageur, à l’aquarium de Saint-Malo qu’il a peuplé de ses créatures tentaculaires et autres oasis abyssaux. En tant que street artiste masqué, enfin, car WAR, malgré sa légitimité d’artiste public, n’a toujours pas tombé le masque.


La répression d’un côté, la promotion de l’autre, et entre les deux, un immense champ des possibles. Apothéose de cette vision paradoxale, la commande passée par la ville à l’artiste vandale : mandaté par la municipalité pour réaliser une fresque, il n’en a pas moins avancé masqué et toujours dans un anonymat total. Tout s’est passé au grand jour, mais les curieux sont restés dans le noir. Comment une autorité publique peut-elle faire la promotion d’un artiste désobéissant ? Plus que des paradoxes, le street art est révélateur d’une société évoluant à vitesse grand V. Pratique artistique née sur les wagons du métro new-yorkais, le street art a souvent un train d’avance sur la société.

BIOGRAPHIES

Richard Volante

flou de profil richard volante ACU

Né le 14 juillet 1961 à Aubervilliers, Richard Volante arrive à Rennes en 1993 et collabore depuis avec l’Info Métropole, le Rennais, Pays de Bretagne, Armen, l’Empreinte, Résonance, GEO, Le Figaro, l’Express, Libération, l’agence ANDIA mais aussi avec le chorégraphe Wayne Barbaste et la Compagnie de danse contemporaine Trajectoire. En tant qu’auteur, il publie de nombreux ouvrages aux Éditions de Juillet. Il expose depuis les années 90 et réalise son premier film Post (production Akanes) en 2000.

Jean-Baptiste Gandon

Jean-baptiste gandon Anatomie d'un corps urbain

Né en 1972, Jean-Baptiste Gandon est diplômé de sciences politiques. Il a notamment eu en charge la réalisation du magazine Sortir (à Rennes et dans l’agglomération rennaise). Membre de l’équipe rédactionnelle de Rennais et de Rennes Métropole magazine, il est chargé de la coordination des hors-séries. En tant qu’auteur, il a participé à la rédaction de Rok 1 et de Beirut to nowhere, édités par les Éditions de juillet.

REVUE DU WEB

Interroger la mutation en cours

FRANCE 3 >>> Les œuvres des street artistes font ouvrir les yeux sur une ville que l'on ne regarde plus à force de trop la connaître.

OUEST FRANCE >>> Le documentaire réalisé par Richard Volante et Jean-Baptiste Gandon est projeté dans le cadre d'Explorations urbaines, l’exposition mise en place par la bibliothèque et les Champs Libres sur le thème du street-Art

20 MINUTES >>> D’un côté, les actes de vandalisme sont toujours sévèrement sanctionnés, de l’autre, la pratique artistique est encouragée par les pouvoirs publics car considérée comme un objectif d’enrichissement culturel et esthétique de la ville.

COMMENTAIRES

  • 6 décembre 2022 11:31 - Ulrich

    Top ! sensible et généreux, un point de vue multiple utile à toutes et tous. Merci !

  • 12 novembre 2022 16:59 - veillon guilloux catherine

    C'est drôle que les Surycat soient abattues par un bulldozer nommé Cat

  • 6 janvier 2022 08:56 - SophieKa

    Magnifique ! Merci de donner cette hauteur de vue !
    Mes premiers frissons datent de Berlin en 86.

CRÉDITS

réalisation Richard Volante et Jean-Baptiste Gandon
image Richard Volante
son Richard Volante

montage Katia Manceau
étalonnage Didier Gohel
production Marie-Laurence et Franck Delaunay, Candela production, France 3 Bretagne

avec le soutien de la Région Bretagne, de la PROCIREP société des producteurs, de l’ANGOA et du Centre national du cinéma et de l’image animée

Artistes cités sur cette page

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Richard Volante

Jean-baptiste gandon Anatomie d'un corps urbain

Jean-Baptiste Gandon

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