Bleu malheur
Voici un film ponctué de plans serrés sur des mains qui dialoguent, se prennent, se massent...
Azurite, une courte fiction de Maud Garnier, raconte les relations passablement toxiques entre un père et sa fille. Un père qui soumet sa fille à ses caprices et celle-ci s’y pliant dans l’espoir qu’un jour il lui transmettra le secret qui a fait sa réputation de peintre : l'azurite, un pigment bleu à nul autre pareil. Un parfum d’inceste flotte dans leurs rapports, le père appelant sa progéniture nuit et jour pour le soulager de ses maux. Ce tête-à-tête sera perturbé par l’irruption d’un apprenti qui se présente à la fois comme un souffre-douleur, un amant et un rival potentiel. Pour couronner le tout, la nourrice jouera le jeu du père, celui de la misogynie bornée qui fait que la fille pourra toujours attendre.
Azurite se passe au 17e siècle, mais la perversion des rapports qui y est à l’œuvre reste d'actualité.
AZURITE
AZURITE
de Maud Garnier (2015 - 24’58)
Salomé, quinze ans, travaille dans l'atelier de son père, un peintre célèbre pour son bleu. Mais voilà quelques temps que le peintre, trop âgé, n'est plus capable de fabriquer sa fameuse couleur, mettant en péril son atelier. Salomé se met alors à espérer que son père lui transmette son secret.
>>> un film produit par Fabrice Préel-Cléach de Offshore
Les combats des femmes artistes
Les combats des femmes artistes
par Maud Garnier
Je me suis toujours interrogée sur la condition féminine et j’étais fascinée par les pionnières, ces femmes scientifiques, militantes ou artistes qui, pour accéder à un statut auquel elles n’avaient droit, bravaient les mentalités de leur époque. En écrivant Azurite, j’ai voulu m’imaginer la vie d’une femme peintre, les difficultés qu’elle rencontrait, les combats qu’elle devait mener. À partir du XVIIe siècle, il existe quelques femmes peintres ; ce sont toujours des filles de peintres. J’ai alors imaginé une relation entre Salomé et son père, un peintre réputé pour son bleu. Entre eux, au fil des années, s’est installée une relation incestueuse qui ne dit pas son nom. Enfermée dans cette relation, Salomé est prête à tout pour hériter du secret de son père et de son atelier.
À travers le bleu, Salomé recherche la reconnaissance de son père. Mais, pour la garder auprès de lui, le père exerce une sorte de chantage. Et puis le père a peur : s’il transmet le bleu, c’est comme signer sa propre mort. Tourmenté, ne supportant pas que Salomé lui échappe, le père la punit à la moindre liberté qu’elle prend. Ainsi, son amour pour Timanthe est fatal à Salomé. C’est ce cruel combat entre un père et une fille que j’ai voulu filmer. Nous ne quittons presque jamais l’atelier, cependant le monde extérieur nous parvient, des gens entrent et sortent, notamment Timanthe. Dans l’atelier, Salomé malaxe la peinture, monte les châssis, dessine, fait chauffer l’huile, tamise les terres, broie les pierres, un travail manuel que j’ai voulu filmer de façon presque documentaire. Je voulais montrer la difficulté physique que demande un tableau. En effet, dans les musées, j’aime contempler les toiles des grands maîtres, mais ce n’est pas la composition ni le sujet que je regarde : c’est la matière. Je cherche à deviner la touche, le coup de pinceau, le geste du peintre. Je ne souhaitais pas faire un film historique à proprement parler, l’idée était de rester dans une temporalité imaginaire, de ne pas préciser où l’on est, ni à quelle époque. Seul le style des toiles, baroque, et l’habillement des personnages, peut nous aider à situer l’action au XVIIe siècle.
Dans cet univers crasseux, poisseux, où le marron est la teinte dominante, les éclats de rouges ou de bleus sont autant de taches de couleurs qui contrastent. La peinture apporte de la grâce à cet endroit sombre, mal éclairé et austère, car l’art transcende la laideur. À la fin, c’est le tableau qui prend toute sa place. On oublie le travail, la difficulté à l’obtenir. Il ne reste plus que l’œuvre et peu importe les dommages collatéraux. Car, Salomé, finalement, est reléguée à son rôle de femme : épouse et servante. Jamais elle n’aura le bleu, jamais elle ne deviendra peintre. Le bleu n’est pour elle qu’une eau souillée qui se mélange à la boue.
Maud Garnier
Maud Garnier
Après un master de cinéma à l’ESAV de Toulouse, puis un passage par Londres, Maud Garnier s’installe à Paris et intègre le CEEA en 2008. Elle en sort en 2010 avec un diplôme de scénariste, autrement dit d’affabulatrice professionnelle. Depuis, elle écrit pour la télévision, l’animation et le cinéma… En 2011, elle reçoit le prix du jury à Sopadin pour son scénario de long métrage La Peau claire. C’est lors de cette soirée arrosée qu’elle fait la rencontre des Indélébiles, un collectif de scénaristes qu’elle intègre quelques mois plus tard. En parallèle, elle réalise Azurite, un court métrage historique et féministe et 15 francs, des fleurs et une culotte, une fantaisie sur Alzheimer. Ces deux courts, produits par Offshore, et pré-achetés par France 3 ont reçu plusieurs prix. En 2015, elle intègre l'Atelier Scénario de la Fémis où elle développe un nouveau long métrage, Les Cigognes.
Alba Gaïa Bellugi
Alba Gaïa Bellugi
Née à Paris en 1995 de parents italiens et danois, l’actrice fait ses premiers pas en 2003 au théâtre auprès de la metteuse en scène Arianne Mnouchkine, dans Le dernier caravansérail. À dix ans, elle débute sa carrière cinématographique sous la direction de François Ozon, dans le long métrage Le temps qui reste. Depuis, elle a tourné avec des noms célèbres du cinéma français et européen, comme Alain Resnais, Claude Miller ou le duo Toledano-Nakache. Un de ses rôles notables est celui de Prune Debailly dans l’excellente série Le bureau des légendes.
Anthony Bajon
Anthony Bajon
Né en 1994 dans le Val-de-Marne, Anthony Bajon commence lui aussi sa carrière d’acteur sur les planches en 2009, puis devant la caméra dans une succession de courts métrages. C’est en 2015 qu’il joue dans son premier long métrage, Les Ogres, de Léa Fehner, avec Adèle Haenel. Bien qu’il n’ait qu’une seule scène, sa prestation est remarquée par la critique. Il enchaîne les longs métrages dans les années qui suivent, et sa carrière connaît une ascension fulgurante, couronnée en 2018 par l’Ours d’argent du meilleur acteur à la Berlinale et le Swann d’or de la révélation masculine au festival de Cabourg, pour son rôle dans La Prière de Cédric Kahn.
La peinture au féminin
La peinture au féminin
BEAUX ARTS >>> Pour sa série Femmes en mouvement, le magazine s’intéresse à la Renaissance italienne et ses créatrices, qui se sont hissées jusqu’aux plus hautes sphères à la seule force de leur talent.
CONNAISSANCE DES ARTS >>> Durant la quinzaine d’années qui précédèrent la Révolution, la scène artistique parisienne fut marquée par un phénomène sans précédent : l’affirmation professionnelle de jeunes femmes peintres fermement décidées à en finir avec l’invisibilité et l’amateurisme dans lesquels les maintenait le système académique.
GALLICA >>> Adélaïde Labille-Guiard, portraitiste préférée des filles de Louis XV, et féministe avant l’heure.
RADIO FRANCE >>> De la peintre Artemisia Gentileschi à la plasticienne Anni Albers, en passant par la sculptrice Camille Claudel et par la cinéaste Alice Guy, quatre portraits de femmes artistes.
30 septembre 2023 10:41 - Anne Boissel
Magnifique !
Tout est beau , llumières costumes montage et réalisation .
Bravo
18 septembre 2023 21:15 - Deshayes Hervé
C'est encore un plaisir des yeux
Pourtant je n'ai jamais eu de Télévision dans ma vie, mais là je regrette de ne pas avoir un Grand
Écran.
Merci