Exploités
Voici un film pour le moins singulier. Une fiction tournée sous Giscard, dans deux familles d’agriculteurs, l’une en Bretagne l’autre dans le Languedoc. L’on y voit la messe catholique et la messe du journal télévisé, l’on y entend le bénédicité et l’Internationale, s’y joue une lutte des classes rurale, des paysans journaliers contre les aristos en pleine chasse à courre…
Chronique des années tristes raconte les nouvelles formes de sujétion que subissent les travailleurs de la terre, découvrant les effets pervers de la PAC et l’emprise grandissante de l’agro-industrie. Un film dans lequel le réalisateur, Alain Aubert-Dechartre, met en scène un tournant historique, la conversion forcée des paysans en techniciens d’exploitations dont ils seront les premiers exploités.
CHRONIQUE DES ANNÉES TRISTES
CHRONIQUE DES ANNÉES TRISTES
d'Alain Aubert-Dechartre (1977 - 57')
Chronique des années tristes met en parallèle une fille de viticulteur languedocien, qui vit la crise viticole en Occitanie, et un fils d’agriculteur breton, durant la crise laitière en Bretagne. Leurs familles sont confrontées aux coopératives, aux trusts et aux banques, les obligeant à une agriculture de plus en plus industrielle et intensive. Les péripéties de ce qui fut appelé la guerre du lait (1972) et la guerre du vin (1976) ont été reconstituées sur les lieux mêmes, avec des paysans et des viticulteurs les ayant vécues.
Cette fiction, aux bases historiques concrètes, évoque et analyse ce que vécurent des milliers de jeunes ruraux, qui, comme ces deux jeunes, furent poussés vers Paris au cours des années 1960-70 et au-delà, faute de pouvoir vivre et travailler dans leur région d’origine.
>>> un film produit par Matsylie Production
Surprenante modernité
Surprenante modernité
par Alain Aubert-Dechartre
Chronique des années tristes joint l’analyse à l’émotion, en visant un film d’intervention, fictionnel et expérimental. Cette fiction, sur l’exil des jeunes dans les années 70, est élaborée à partir d’une analyse de faits véridiques, vécus par chacun d’eux, en Bretagne et dans le Languedoc. La désertification des campagnes françaises y est évoquée. Des épisodes de ce qu'on appela la guerre du lait, en 1972, en Bretagne, puis la guerre du vin, en 1976, dans le Languedoc, y sont reconstitués. Le script a été retravaillé sur place avec ceux, éleveurs et vignerons, qui ont joué leur propre rôle in situ. Tout ne fut possible que par l’appui de ces cultivateurs et de ces viticulteurs ainsi que des villages de ces deux régions !
Chronique des années tristes n’est pas sans rappeler les scandales visant un trust laitier ou la révolte des bonnets rouges.
40 ans plus tard
40 ans plus tard
par Gérard Péréon
Plus de 40 ans après le tournage à Redon, nous, les protagonistes du film, nous sommes retrouvés et revus sur l'écran. J’ai vécu cela comme une belle aventure collective. On sentait qu’il y avait des convictions, elles sont toujours dans notre cœur. Mais les luttes ont repris, la mutation est en cours et beaucoup de choses restent à faire. J’étais éleveur de moutons. Six ans après, j’ai dû quitter notre ferme car il y a eu la crise du mouton, conséquence de choix politiques. C’étaient les premières pierres d’un mur qui commençait à tomber avec des paysans de plus en plus fragilisés.
Il va falloir que l’on coupe la ficelle avec le marionnettiste, car nous ne sommes pas des marionnettes ! Aujourd’hui, les solutions n’ont pas été complètement trouvées, mais il y a des recherches. Il faut donc rester confiants ! On va aider ceux qui se mettent en route. C’est ensemble qu’on y arrivera. Des années ont passé, mais la volonté de défendre la cause paysanne, les hommes et les femmes de la terre, est restée intacte. L'abandon de Notre-Dame des Landes montre que les luttes paysannes et la volonté de défendre la terre-mère, les solidarités, sont payantes. Mais à quel prix ! Le film dont nous avons été les acteurs participe à cette lutte.
Alain Aubert-Dechartre
Alain Aubert-Dechartre
Diplômé de l'Institut des hautes études cinématographiques de Paris, Alain Aubert-Dechartre débute dans le métier en prenant la direction du service cinéma du Centre culturel franco-nigérien à Niamey. Au cours de sa carrière, il réalise plusieurs courts et longs métrages dont Quatre journées d’un partisan sélectionné à Cannes en 1975, restauré en 2021. En plus de la réalisation, Alain Aubert-Dechartre est conférencier, directeur de formation, secrétaire général du Festival francophone des année 70 à Dinard et participe à la création et rédaction de revues et d’ouvrages portant sur la théorie du cinéma. Il a remis tous ses documents à André Colleu à la création de la Cinémathèque de Bretagne dont il a été l’un des premiers déposants.
L'agriculture bretonne dans les années 70
L'agriculture bretonne dans les années 70
OUEST-FRANCE >>> On ne devient pas éleveur ou agriculteur sans avoir la vocation. Un des acteurs de Chronique des années tristes se livre sur sa vocation d’être agriculteur dans un portrait touchant réalisé lors d'un transfert de brebis.
PAYSAN-BRETON >>> Retour sur le contexte et la dure réalité de la grève du lait de 1972 à travers un autre film traitant de cette question.
OUEST-FRANCE >>> 1970, c’est la décennie des mutations, transformations de la société, modernisation… Mais c’est aussi une période de lutte, de manifestations qui questionnent l’ordre établi. La société bretonne ne fait pas exception à cette règle et fait entendre ses revendications.
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