Legacy

par Yann Perrin

Legacy raconte une fracture générationnelle, celle de deux marins au temps de l'extinction de la pêche artisanale. Jules sait que c’est une vie désœuvrée et solitaire qui l’attend. Il se réfugie dans un cimetière de bateaux, peuplé d’épaves de chalutiers par dizaines. Jules est désemparé face à la situation : dans trente ans, il y aura plus de plastique que de poisson dans les océans ! Comme le pêcheur du roman Le Vieil Homme et la Mer d’Ernest Hemingway, l’heure de la dernière pêche est arrivée pour Yves. Son corps, soumis à de terribles efforts, le lâche petit à petit. Il devient alors le gardien du phare, celui qui guide les autres marins. Son faisceau lumineux emmène symboliquement l’âme de Jules, de l’inconscient de la mer vers le conscient de la terre.

La lumière est également jetée sur les violences policières dans le milieu de la free party.

La mise en scène des forces de l’ordre est librement inspirée de l’affaire Steve Maia Caniço : une bavure qui avait causé la noyade d’un jeune fêtard dans les canaux de Nantes. Cette scène qui retranscrit la violence de manière horrifique, est particulièrement d’actualité. Rarement en France, les violences policières n’ont été aussi marquantes. Alors que Jules et Ana se cherchent dans le chaos, leurs cris d’appel synchronisés aux nappes dissonantes du morceau résonnent comme des hurlements d’abomination face à la brutalité humaine.
La mise en scène est fragmentée entre une caméra mouvante, témoignant de l’instabilité des personnages, et des compositions très picturales à portée symbolique et contemplatives. La caméra est également intimiste, se concentrant sur les détails, les gestes, les visages, les sentiments et les comportements, tentant de se rapprocher au plus près de la réalité des personnages.
Par ailleurs, j’ai traduit les angoisses des personnages et leurs visions déformées par les gaz lacrymos avec des aberrations optiques et des effets de step-shutter. Je souhaitais ainsi créer par l’abstraction des réels moments de tension appuyés par les rythmiques percussives de Darzack. Ainsi, le tableau kafkaïen de la marée noire illustre une hallucination de haute mer, quand la fatigue et le stress créent des images irréelles, reflets du subconscient. Cette vase fossile symbolise alors la mort qui rôde autour de Jules, aussi bien en mer que sur terre. Ces images chocs d’un homme mazouté visent à percuter les consciences quant au cataclysme écologique que subissent nos océans.
De plus, la techno de Darzack est particulièrement mélodique et s’apprécie comme une exploration mystique. Un sentiment de mysticisme que l’on retrouve en terre bretonne dans sa nature occulte, et qui est appuyé par l’allégorie sonore et visuelle des motifs ecclésiastiques : les visages chimériques creusés dans la roche, la croix de marin, le brasier, synchronisés aux chœurs et au thème d’orgue.
Legacy est ainsi un projet innovant visant à dépasser le carcan formaliste du clip pour raconter une chronique sociale et politique, visuellement riche et émouvante.

par Darzack

Après l’annulation de nombreuses dates de festivals européens pendant le Covid, après avoir rongé mon frein pendant de longs mois, confiné, à attendre la réouverture des clubs, j’ai ressenti le besoin d’un retour aux sources. J’ai quitté mon appartement parisien et me suis installé chez moi, à Saint-Briac-sur-Mer. Là où tout a commencé. Dans ce climat de liberté où mon inspiration atteint son zénith, avec la houle qui vient s’écraser sur les rochers, le vent qui siffle dans les oreilles, les embruns salés, les grincements des cordes des bateaux… Tant de sons qui m’ont bercé depuis mon enfance. Des ondes, des énergies que je décide d’enregistrer et de transformer en musique dans mon studio installé dans la cave de mes parents.

De ces expérimentations musicales naissent des images dont j’ai parlé à mon ami réalisateur Yann Perrin, également originaire de Bretagne. On a alors décidé de lancer ensemble un projet audiovisuel. J’ai ainsi composé Legacy à la lecture du scénario de Yann. Cette track est un récit sonore aux faces multiples : percussive et violente, ponctuée de phases mélodiques épiques et aériennes, de nappes planantes. J’ai joué avec le sound design pour créer une atmosphère qui suscite des images.

Théo Rocca, alias Darzack, s’affirme aujourd’hui comme l’une des étoiles montantes de la nouvelle génération de l’électro en France. Encore dans sa vingtaine, il peut déjà se targuer d’avoir accompli un cheminement musical jalonné d’escapades dans des champs stylistiques très variés. Enfant d’une Bretagne bouillonnante où l’art est en constante évolution, Darzack a grandi dans la musique sous les yeux amoureux d’un père acteur et d’une mère maquilleuse de cinéma. Son adolescence a consisté en une formation intensive de batterie, des cours de percussion, des cours de piano, une introduction à l’accordéon et au chant, de nombreuses expériences musicales et la découverte des machines électroniques.

Il commence à produire sur son ordinateur à l’âge de 15 ans, puis monte à la capitale et tire son épingle du jeu en proposant des performances live où il met en exergue ses talents de percussionniste et son sens du show survolté.

En 2019, il est programmé aux Trans Musicales de Rennes, puis il fait le show dans de nombreux festivals européens, tels que Solidays, Panoramas ou encore Piknic Electronik. Signe de son ascension, il bénéficie d’une résidence au Rex club de Paris, puis sort son premier album, Rhizom, sur son propre label : Maison Béryl.

Yann Perrin est un réalisateur français. C’est lors d’un voyage dans les terres hostiles de Patagonie durant lequel il réalise un documentaire, La Tierra del Fuego, qu'il découvre son envie de capter la beauté du monde. Diplomé de l’ESRA Paris, il connaît ses premières expériences sur des plateaux comme assistant réalisateur sur des courts métrages et comme assistant décorateur sur des longs métrages.

Il travaille par la suite comme directeur artistique dans la publicité et le vidéoclip. Cette expérience au côté de jeunes créatifs décomplexés et de réalisateurs confirmés développe son regard et son attrait pour les images fortes et captivantes. Yann Perrin cherche avant tout à raconter des expériences humaines uniques et authentiques, tout en affirmant un style graphique et poétique, mêlant réalisme et lyrisme. Il développe actuellement plusieurs projets de clips, un court métrage ainsi qu’un premier long métrage.

UNIDIVERS >>> Décryptage de l’EP Slave to Love du prometteur Darzack.

TRAXMAG >>> Le musicien Darzack revient sur la création de sa maison de disques, Maison Béryl, et sur le projet Bijoux de famille.

RADIO CAMPUS >>> Interview de Darzack, pour parler techno et performance live.