Rester debout
06/02/2025
Après 1940, et l’annexion de l’Alsace-Moselle au Reich, les Vosges deviennent frontière avec l’ennemi et lieu de Résistance. À la Libération, après un lourd tribut payé par le maquis, c’est l’heure des règlements de compte. Des usurpateurs réécrivent l’histoire à leur profit, faisant passer pour de la Résistance des crimes de droit commun.
L'homme qui voulait savoir raconte l’histoire d’un homme et d'une femme en quête de vérité sur un triple meurtre commis au nom de l’épuration. Un film poignant signé Robin Hunzinger, réalisateur passionné d’histoire et enraciné dans ce territoire.
À l’heure où des fascistes de tous poils reprennent les rênes du pouvoir, il est nécessaire de se souvenir de ce qu’était la Résistance, les valeurs qui l’animaient, et ce courage de rester debout face à la barbarie.
Excentrics, une collection KuB en partenariat avec la Scam
L’HOMME QUI VOULAIT SAVOIR
L’HOMME QUI VOULAIT SAVOIR
de Robin Hunzinger (2018- 52’)
Le 30 août 1945, Marie Sublon, sa fille Madeleine et le petit Jean-François (3 ans), sont retrouvés morts dans leur ferme de la vallée du Rabodeau dans les Vosges. Une famille de collabos, d’après la rumeur. Cinq ans plus tard, une lettre anonyme dénonce Fernand Caritey, le chef local du maquis. Lors de son procès, il sera reconnu coupable de ces meurtres, mais finalement acquitté. Plus de 70 ans après les faits, un homme épris de justice, Gérard Villemin et son amie Liliane Jérôme vont rompre le silence et affronter les tabous d’une des pages les plus sombres de la Résistance.
>>> un film produit par François Ladsous pour Supermouche Productions, lauréat de la bourse Brouillon d'un rêve en 2017
Des âmes fortes
Des âmes fortes
par Robin Hunzinger
Quand je suis entré pour la première fois dans la vallée du Rabodeau, j’ai été troublé par ces lieux, comme un théâtre de légende. L’aspect de cette montagne, son côté réfractaire, son austérité, m’a fait comprendre l’âme de ses habitants, des hommes et des femmes ordinaires, mais des âmes fortes. Gérard Villemin dit d’eux : Ils ont refusé de vivre à genoux parce qu’ils étaient comme ça, ici, des gens fiers et libres. Rien n’eut été possible sans ces petites gens : ouvriers ou directeurs, bûcherons ou curés, élus ou secrétaires de mairie, instituteurs ou cultivateurs, gardes des Eaux et Forêts, braconniers ou gendarmes... Ils ont caché, guidé, hébergé, renseigné, falsifié, soigné, transporté, nourri... tous les jours pendant les 53 mois de l’Occupation.
En effet, qui sait qu’il y eut ici l’une des plus importantes filières de passeurs de France, car passait ici la frontière avec le Reich à la suite de l’annexion de l’Alsace par l’Allemagne ?
Qui sait qu’il y eut ici une forte résistance ? Qui sait que c’est ici, en pleine débâcle, que les nazis lancèrent l’opération WaldFest, trois mois de chasse à l’homme, menée par les Einsatzkommandos (groupes d’intervention chargés de l'assassinat systématique des opposants au régime nazi) qui fusillèrent des dizaines d’hommes de la vallée, en déportèrent environ mille dont plus de 700 ne sont pas rentrés, laissant 450 veuves et 750 orphelins ?
Et qui sait qu'à la Libération, la bataille entre communistes, gaullistes, et l’Action française, se solda par des meurtres et des assassinats, dont certains ne furent jamais jugés si bien que chacun, écœuré, s’est tu. Trop d'injustice s’ajoutait à l’injustice. Trop d’arbitraire à l’arbitraire. Dans les Vosges, on souffre en silence.
Ainsi, pour commencer, c’est l’énormité du tribut payé à la Seconde Guerre mondiale, et l’oubli dans lequel est tombée cette tragédie, qui m’ont secoué. Puis j’ai été intrigué en découvrant que l’oubli de ces faits, la chape de plomb et de silence qui les recouvrait, étaient sensibles encore. L’oubli vient sans doute de la récupération de la Résistance par d’autres, au moment de la Libération. À la lutte d’influence classique des gaullistes, des communistes en quête de réhabilitation après le pacte germano-soviétique de 1938, des radicaux, des socialistes, des démocrates-chrétiens, etc. Au silence des morts s’ajoute le silence des déportés rentrés des camps. Il peut s’interpréter comme une sorte d’écœurement face à ceux qui ont récupéré les honneurs, et l’Honneur.
C’est alors que j’ai rencontré Gérard qui enquêtait sur la tragédie. Il m’est apparu comme une sorte de justicier sans révolver, un homme épris de justice et non un shérif, un homme droit, de caractère, impliqué là-dedans par ses liens familiaux. Ce qui est passionnant avec Gérard, c’est qu’il tient seulement à rétablir la complexité de l’écheveau des faits.
Robin Hunzinger
Robin Hunzinger
Après des études d’Histoire et d’Histoire de l’art à Strasbourg, Robin Hunzinger suit des études de Cinéma à Jussieu avec Jean Douchet, Jean Rouch et Bernard Cuau. Depuis il réalise des films documentaires autour de l’histoire, de la guerre, des traces de la mémoire, de l’homme face à l’impensable et de la nature. C’est est un homefilmaker. Il écrit, lit, re-filme, scanne, recadre, retraite, enregistre, monte et remonte. Seul (souvent) dans son studio aménagé dans les Vosges.
Ses films ont été présentés dans de nombreux festivals en Europe, en Amérique du Nord et en Asie : Cinéma du réel (Paris), DOCAVIV, (Tel Aviv) DOK.fest Munich, Doxa (Vancouver), É Tudo Verdade (Sao Paulo), États généraux du film documentaire de Lussas, FIDBA (Buenos Aires), IDFA (Amsterdam), IFFR (Rotterdam), Joburb film festival (Johannesburg), Thessaloniki international film festival. Ils ont été projetés dans des Musées comme le SFMOMA (San Francisco) où le Centre Georges Pompidou (Paris).
Il a obtenu trois étoiles de la SCAM (2007, 2008, 2018), mais aussi le Grand prix du festival Traces de Vie en 2008, le Ahmed Attia Award au MEDIMED en 2011, le Prix international FREEDOM au Luxor African film festival, le prix du film d’éducation 2019 au festival international du film d’éducation (Evreux), le Beeld en Geluid ReFrame Award for Best Creative Use of Archive à l’IDFA en 2021, le Grand Prix Écrans Mixtes Mastercard et le Prix du Public à Écrans mixtes en 2022 et le Best Editing award au RIDFF en 2022.
Les stigmates de la guerre
Les stigmates de la guerre
FRANCE 3 >>> Qui étaient les vrais collabos, les faux résistants ? Et surtout qui a tué de sang-froid trois membres d'une famille vosgienne, deux femmes et un enfant de trois ans, à la sortie de la Guerre 1939-45 ? Ce pan méconnu de l'histoire fait l'objet d'un documentaire réalisé par Robin Hunzinger.
FRANCE 3 >>> Le cinéaste alsacien Robin Hunzinger retrace dans son dernier documentaire Ultraviolette et le Gang des cracheuses de sang, coécrit avec sa mère, la romancière Claudie Hunzinger, l'histoire d’amour entre sa grand-mère Emma, 17 ans, et Marcelle, 16 ans. Une ode aux femmes des Années folles.
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