Bain de jouvence
Jubilatoire, au comble de la fureur de vivre, de l’énergie et de la provocation, Jour et Nuit serait le dernier opus de Catherine Diverrès, concluant quatre décennies de son œuvre chorégraphique habituellement plus cérébrale et non moins admirable.
Sur un plateau tout de reflets d’or et d’argent, une kyrielle de personnages fait irruption dans une succession de tableaux qui sont autant d’expériences plastiques et sonores. Si le décor brille par sa sobriété, c’est pour qu’y éclate une impressionnante variété de costumes, couleurs et textures, offrant pléthore de formes humaines et animales qui expriment l’extraordinaire éventail de la diversité. Le monde vu par Diverrès, où elle nous entraîne avec la complicité de ses danseurs, dans des lumières émouvantes, crépuscules surnaturels, une chimère où l’on s’affranchit de la médiocrité du quotidien, où la transgression est recommandée pour que s’accomplisse tout ce que nous rêvons d’être : fantasques, sans limites, extensibles, hors des frontières de genres, de nations ou de langues…
Ensemble et chacun, les corps livrent un poignant éloge de la jeunesse, de la dépense sans compter. La Night and Day discothèque dispense une playlist où Jean-Luc Gionnet et Seijiro Murayama, fidèles compositeurs de la chorégraphe, sont accompagnés par Jimi Hendrix, David Bowie, Amy Winehouse, Cole Porter et Shirley Bassey, donnant la pulsation d’une nuit où les corps sont libres.
Des plages sonores plus atmosphériques et des textes poétiques parsèment cette veillée, et c’est à Aragon que l’on finit par penser :
Le temps de rêver est bien court
Que faut-il faire de mes jours
Je n'avais amour ni demeure
Nulle part où je vive ou meure
Je passais comme la rumeur
Je m'endormais comme le bruit.
JOUR ET NUIT
JOUR ET NUIT
de Catherine Diverrès (100' - 2019)
Jour et Nuit est un voyage onirique au sein de paysages singuliers, sur des chemins évoquant chez ses interprètes des bribes de rêves étranges, parfois fascinants, mais aussi des instants plus intimes de leur enfance ou de leur adolescence, propres à chacun, leurs joies, leurs peines, leurs peurs, leurs regrets, leurs amours, leur perception des fastes de la nature.
Jubilation
Jubilation
par Catherine Diverrès
Laisser filer les métaphores, l'imaginaire de chacun se déployer à l'évocation et l'association de ces deux mots. Union sans mélange, battement d'ailes, alternance, contraste, veille et repos, scansion du temps. Jour et nuit, du plus clair au plus obscur, des ombres qui grandissent et diminuent, à l'éblouissement qui se confond avec aveuglement, des aubes grises ou tendres, des ciels de nuits, aux fulgurantes comètes. Balancement et parfois inversion, les deux astres qui président ne se juxtaposent pas, ils se succèdent et se complètent.
Les neuf interprètes portent leurs rêves, leur énergie, leur éros, leur obscurité, leurs secrets dans un entrelacs de chemins, de paysages singuliers. Ils laissent place aux sentiments, aux émotions, aux images pour habiter les gestes, le mouvement.
Portés par l'hybridité de chansons, des musiques populaires ou savantes, raconter, exposer nos jours et nos nuits, de fête, de liberté, de nostalgie, de doux délire, alternance larmes rire, des combats vains et des cruelles batailles, intimes ou collectives.
Peurs, dangers, consolation, amour. Tenue d'être.
Existe-t-il un sens à l'alternance du jour et de la nuit ? Quel serait pour vous un jour / une nuit ? Telles sont les questions posées aux interprètes et aux collaborateurs, questions que je vous pose à vous aussi.
Jour et nuit, tout est permis, tout est possible, lorsque l'on ouvre l'espace de son imaginaire et de sa pensée.
Je me suis donné pour cette dernière pièce la plus grande liberté stylistique. Voyager entre le baroque, l’expressionnisme, l'abstraction lyrique ou le romantisme, peu importe, mais avec jubilation !
Aucune contrainte d'expression n'a prévalu sinon d'ouvrir l'espace poétique au cœur de chacun des interprètes, celui-ci peut nous ressembler, rassembler ou diviser.
Catherine Diverrès
Catherine Diverrès
Catherine Diverrès a marqué de ses œuvres le paysage de la danse au cours de ces trente dernières années. Qui l’a vu danser sur scène a été touché par sa force et sa grâce inégalables. Déterminante fut sa rencontre avec Kazuo Ohno, avec qui elle a étudié au japon, une voie ouverte qui, dès son retour en France, lui a permis d’élaborer un langage particulier qu’elle a transmis à plusieurs générations de danseurs.
Après quinze années passées à la tête du Centre chorégraphique national de Rennes et de Bretagne, une nouvelle page s’est écrite avec la compagnie qu’elle a créée et son installation à Vannes en 2012.
La reine Catherine
La reine Catherine
TOUTE LA CULTURE >>> On est en train de décrire – enfin essayer – du Catherine Diverrès éternel. Combien serait-il stupide de vouloir l’indexer sur de tout autres codes de la représentation, qui lui sont extérieurs, ultérieurs. Cette Diverrès est irremplaçable, occupe sa place unique, considérable, dans l’histoire de la danse des quatre décennies écoulées.
Entretien avec Catherine Diverrès : Un théâtre n’est jamais un espace vide qu’on se contente de remplir. Un théâtre parle. Ce sont des multiples, des métiers, des transmissions. En danse, la transmission est fondamentale, plus que dans tout autre art.
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