Cruels démons
Le film de Paul Cabon dure quatorze minutes, pendant lesquelles il ouvre un espace fabuleux et effroyable qui nous emporte loin de nos bases, probablement dans notre inconscient.
La tête dans les orties distille des rites de passage de l’enfance à l’âge adulte, l'on y reconnaît les défis lancés dans les tribus d’Amazonie ou d’Afrique noire aux jeunes ados en âge de devenir des guerriers, quand ils sont rudement mis à l’épreuve seuls dans la forêt, devant endurer la peur et la douleur, affronter seuls le risque de mourir.
Dans la peau de Bastien, nous sommes arrachés à la terre ferme et plongés dans une leçon de ténèbres. Pour sortir de l’enfance, il faut montrer sa virilité en restant impassible face au danger. Dans un style rugueux, brut et sensible à la fois, dans une dramaturgie d’ombres et de lumières, Cabon nous retourne sans l'ombre d'un dialogue.
LA TÊTE DANS LES ORTIES
LA TÊTE DANS LES ORTIES
de Paul Cabon (2019 - 14’)
Bastien et ses deux amis entrent dans la zone interdite. Au cœur des ruines et de la brume toxique, quelque chose les attend…
>>> un film produit par Jean-François Le Corre & Mathieu Courtois - Vivement Lundi !
Parcours en festivals
Japan Media Arts Awards – Excellence Award 2020
Nomination aux César 2021 – Meilleur film d’animation
Combat intérieur
Combat intérieur
par Paul Cabon
La tête dans les orties suit un jeune adolescent, Bastien, parti dans une zone interdite mystérieuse suivre une épreuve initiatique. L’idée du film m’est venue d’un souvenir d'adolescence. J’avais l’habitude d’aller sauter des falaises avec mes amis. Je me souviens clairement du combat intérieur qui me saisissait alors que je me trouvais face au vide et la surface de l’eau. Si mon sens de la raison savait très bien que le vide ne présentait pas de réel danger, il me fallait lutter contre mon instinct qui croyait que je sautais vers la mort.
Ce combat intérieur de Bastien se présente sous la forme d’un parcours initiatique. Sa peur s’étend à tout l’espace du film
et se manifeste par le fantastique. La zone interdite est un lieu magique et sombre. Elle est la manifestation physique du paysage intérieur de Bastien et les êtres monstrueux qui la peuplent sont les spectres qui le hantent et l’entravent dans sa quête pour grandir.
Pour rendre palpable ce combat, je me suis attelé à raconter le film de la manière la plus visuelle possible, le film a d’ailleurs directement été écrit au storyboard, sans passer par l’écriture d’un scénario.
Tout le long du chemin, j’ai cherché à ce que l’on ressente le corps de Bastien au point que le danger et la peur face au vide soient ressentis par le spectateur.
Le film se conclut sur une libération qui reste néanmoins teintée de mystères et de doutes. Bastien a atteint son but. Il semble avoir obtenu quelque chose, mais n'a-t-il pas également perdu quelque chose en chemin ?
Un cinéma sans esbroufe
Un cinéma sans esbroufe
par Jean-François Le Corre & Mathieu Courtois
Nous avons découvert Paul Cabon avec Un matin dans l’univers réalisé en 2008 lors de son cursus à La Poudrière. L’œuvre courte (1’23’’) affichait de solides atouts pour nous séduire : un humour décalé, une dose de fantastique et une esthétique qui semblait flirter avec des univers graphiques repérés dans la bande dessinée américaine indépendante comme celui, par exemple, d’un Charles Burns. Sauvage, son film de fin d’étude primé au Festival international du film d’animation d’Annecy, a confirmé notre intérêt pour le travail de ce réalisateur. Nous avons produit son premier film professionnel, Tempête sur anorak en 2014 (accès au film ci-dessus), avec un budget serré. Une première réalisation qui a eu une carrière exemplaire. Aux sélections dans des festivals prestigieux s’est ajouté un accueil enthousiaste du monde anglophone confirmé par un Prix du court métrage d’animation au Sundance Film Festival et un Grand prix du London International Animation Festival.
Depuis, le talent de Paul s’est confirmé avec Le futur sera chauve, un film produit par WAG Prod et qui lui a valu une nomination au César du court métrage d’animation en 2017.
Pour son nouveau film, Paul quitte le registre de la comédie décalée et nous propose une forme de récit initiatique. Un jeune garçon - Bastien - se prépare à vivre un moment clé de l’adolescence. Il va lui falloir surmonter sa peur face à l’épreuve qu’il va devoir affronter pour conserver l’estime de ses deux amis. Écartant toute dimension biographique - nous ne saurons rien de Bastien, de sa relation à ses amis, de la raison de cette initiation -, Paul veut concentrer son récit sur un crescendo : celui de la confrontation au danger de son personnage. Contractée sur un temps court que l’on peut imaginer de quelques heures, l’initiation de Bastien s’ouvre sur une scène d’installation du personnage dans un cadre domestique et rassurant : la chambre de l’adolescent. Mais, dès les premiers plans, c’est l’espace sonore qui installe la notion de danger. Prémonition de Bastien installée par un flash forward ? Le scénario n’affirme rien, mais installe déjà un climat, une tension qui éloignent toute idée de sérénité. Le reste du récit est construit sur un principe d’enfoncement graduel vers le danger jusqu’à la confrontation de l’épreuve. Une course à vélo, la concurrence virile entre trois ados, le buisson d’orties annoncé dans le titre et qui fait figure de porte vers un ailleurs pour Bastien…
De ses précédentes réalisations, Paul conserve un goût clairement affiché pour le fantastique et une nature mystérieuse. Quand les protagonistes quittent l’univers urbain dans lequel ils vivent pour s’enfoncer dans une nature post-industrielle déstabilisante, Bastien s’enfonce dans un monde peuplé d’images fantastiques qui rendent visible son monde intérieur.
Film pratiquement muet, La tête dans les orties nous séduit par son ambition de mise en scène du corps d’un adolescent, par la volonté du réalisateur de transcrire les sensations du personnage et de faire vivre la bataille intérieure qui se livre dans ce corps bouleversé par l’épreuve. Paul s’est livré à un formidable exercice de mise en scène cinématographique dépouillé de toute esbroufe plastique et dans lequel la dimension sonore et son travail de coloriste s’avèrent, une fois encore, enthousiasmants.
Sauvage (2009 - 4')
Sauvage (2009 - 4')
de Paul Cabon
Un homme s’échappe dans la forêt dans l’espoir d’y devenir un loup. Sauvage est le film de fin d’études de Paul Cabon, réalisé en 2009 à l’école de la Poudrière.
- Prix spécial du jury de film d'étudiants au festival d'Annecy 2010
- Prix théâtre optique au freshfilm festival de Prague 2010
- Mention spéciale du jury au Festival de Bruz 2010
Paul Cabon
Paul Cabon
Né à Brest en 1985, Paul Cabon est diplômé de l'école La Poudrière (Valence) en 2009 et son film de fin d'étude - Sauvage - a reçu le Prix spécial du jury de films d'étudiants au Festival d'Annecy en 2010. Entre 2014 et 2015, Tempête sur anorak, son premier film professionnel, reçoit plus d'une dizaine de prix dont le prix du meilleur court métrage d'animation à Sundance. En 2018, Le futur sera chauve est nommé au César du meilleur court métrage d'animation.
Un court en dit long #1
Un court en dit long #1
par Le Cinéma est mort
avec Paul Cabon et Kojo Tanno
Il y a une identité française anti-magie. Jolie bribe de discussion que nous avons eu avec notre invité Paul Cabon, réalisateur de films d'animation.
L'animation c'est travailler des heures, des jours, pour que prennent vie quelques secondes d'images animées. Un alchimiste, un créateur de golems filmiques, est venu nous parler de sa pratique minutieuse, mystérieuse et finalement drôle.
Paul est également venu nous parler du travail du réalisateur Kojo Tanno et plus particulièrement de Quarantine.
Les Bretons aux César
Les Bretons aux César
ACTU.FR >>> L'Académie des César a sélectionné trois productions bretonnes pour la cérémonie du 12 mars 2021 : un court-métrage, un film d'animation et un documentaire.
FRANCE 3 BRETAGNE >>> L’année 2020 aura été morose pour le cinéma français, mais la cérémonie des César aura bien lieu. Parmi les films en compétition, plusieurs ont un ancrage breton.
FILMS EN BRETAGNE lettre de Léo Dazin >>> Cher Paul, Tu pratiques un cinéma populaire et d’esthète, deux modalités d’expressions rares dans le cinéma d’art et essai français contemporain, d’autant plus rares qu’elles sont chez toi réunies. Mais la caractérisation n’est pas suffisante, il y a un troisième pilier à ton édifice. Tu produis un cinéma de croyant.
14 août 2021 22:24 - Lev
J'ai adoré la tête dans les orties, les jeux de lumière, la façon de nous faire vivre les émotions du personnage. Sauvage m'a beaucoup plu également. Je suis plus perplexe devant Tempête sur anorak, j'ai rien compris à la fin. >o<