Trois vivants et un cadavre
Les matinaux sont logiquement les premiers à réinvestir l’espace social après la nuit. Il est par ailleurs de notoriété publique que des noctambules puissent être fauchés par la mort au petit matin.
Partant de cette concomitance, la réalisatrice Medenn Agan bâtit un récit sur la réaction de trois lèves-tôt face à un cadavre à peine refroidi, une rencontre susceptible de révéler l'être profond des protagonistes. Passé un (vague) élan de compassion, ils mesurent l’ampleur des problèmes que pourraient susciter leur macabre découverte...
LES MATINAUX
de Medenn Agan (2018)
Un matin d’été dans un village, trois personnes empruntent le même chemin, chacun a son habitude et chacun pour des raisons qui lui sont propres. Pascal revient du cimetière et part faire ses courses, Célia rentre du travail et Hugo fait son jogging. Ce jour-là, près de l’étang, une découverte bouscule leur quotidien.
>>> un film produit par l’ARBRE, ACTIONS OUEST et ALRT
Cadavres : les excédentaires
Ce film commence par la rencontre de trois personnes qui ne se connaissent pas mais forment un groupe par la force de la situation. L’esprit de groupe peut être conçu comme un ordre social contraignant les individus à adopter des comportements moraux. Ici les personnages se sentent obligés devant le regard des autres de faire quelque chose pour ce cadavre anonyme. Auraient-ils continué leur route sans la présence des autres ?
Comment vont-ils renier la morale ? Qu’est-ce qu’une équipe par rapport à un groupe ? Union des forces mais aussi des faiblesses, ici la lâcheté apparaît peu à peu et crée une entente possible. Le recel de cadavre n’est plus un problème, le secret est bientôt scellé. Le cadavre va finir par se fondre dans la nature, quasi disparaître.
Quelles sont nos réactions face à l’apparition répétée d’images de trépassés en Méditerranée ou en Syrie ? L’horreur et l’indignation, et parfois des manifestations d’hommage au goût étrange. Avec ce film, j’ai souhaité poser la critique de la communauté comme espace privilégié. Faire équipe ne signifie pas faire corps avec le monde et ses multiples dimensions. À mesure que l’équipe du trio se forme, elle s’isole du monde à l’instar des mouvements de repli sur soi qui traversent nos sociétés contemporaines et entraînent une politique commune défensive. Le nous dresse une frontière où les excédentaires, ici le cadavre, doivent être expulsés ou laissés derrière soi.
MEDENN AGAN
Medenn est née en 1990 en région parisienne, avant de déménager et vivre son adolescence dans la campagne aveyronnaise. À défaut d’études de philosophie, elle décroche un master Genre et discriminations à Sciences Po Toulouse.
Son goût pour la politique l'engage à travailler depuis 2013 dans les quartiers populaires et à y faire des vidéos au sein d’une association. En 2018, elle réalise son premier court métrage Les Matinaux et enchaîne avec la résidence La Ruche de Gindou Cinéma . Depuis, elle réalise toujours des documentaires et des ateliers dans les quartiers populaires de Nantes. Elle écrit plusieurs projets de courts métrages.
Les ateliers de réalisation
Quatre courts métrages en seulement une semaine, c'est le pari des Ateliers de réalisation qui sont organisés tous les deux ans alternativement en Bretagne et Pays de la Loire, par les associations professionnelles L'ARBRE, ACTIONS OUEST et ALRT.
Pour en savoir plus retrouvez la page dédiée au projet.
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