Moonkup, les noces d'Hémophile
La belle des vampires
Deux sœurs, l’une sage, fragile, promise à un mariage arrangé, l’autre plus âgée et consciente de son pouvoir sexuel... Parce qu’elles portent toutes deux cette force au fond de leur ventre, elles vont entrer en résistance face à la loi des hommes.
Parler des règles en les utilisant pour confiner la femme dans son rôle biologique, on connaît*, les imaginer à l'origine d’un conflit mondial entre humains et vampires, le tout sur un ton comique est en revanche plus rare !
Pierre Marzingarbe réunit dans ce huis clos toutes les références du genre, dans un décor feutré, subtil, conçu pour cette mise en abîme tournée principalement dans le train qui mène le personnage d'Hémophile vers son union avec Hans de Crassac, le premier mariage mixte entre vampires et humains depuis l'Armistice.
Dans cet Orient Express où se croisent collaborationnistes, vampires obscènes et parvenus, Éva, la fille illégitime du propriétaire des chemins de fer, s'érigera en figure de la résistance.
Une Antigone prête à tout pour s'affranchir de ce régime totalitaire et misogyne.
La locomotive Moonkup balaie sur son passage les clichés sur les films de vampire, dans un éclat iconoclaste où le calice et la coupe menstruelle ne font qu'un.
* The Handmaid’s Tale, la série adaptée de la très engagée Servante écarlate écrite par Margaret Atwood.
MOONKUP, LES NOCES D'HÉMOPHILE
MOONKUP, LES NOCES D'HÉMOPHILE
un film de Pierre Mazingarbe (2015-26')
Comme toutes les femmes d'Europe, Éva donne son sang pour faire durer la paix avec les vampires. Elle est la fille bâtarde du puissant Monsieur Pire, qui a fait fortune dans le trafic de l'hémoglobine. Quand il décide de la marier au fils d'un puissant vampire, Éva profite de la noce pour rendre justice aux femmes, quitte à mettre en danger la paix.
>>> un film produit par YUKUNKUN PRODUCTIONS
Le sang menstruel
Le sang menstruel
de Pierre Mazingarbe
Pourquoi ce film ?
Beaucoup d'hommes sont mal à l’aise quand il s’agit de parler des règles, et méconnaissent le corps et la sexualité féminine. Un film de vampires me semble être un terrain de jeu idéal pour aborder ces questions, les transposer dans un monde différent. La série Buffy contre les vampires n'était-elle pas la métaphore d'une adolescente se battant contre l'arrivée de son sang menstruel ? Nombre de religions et de coutumes font de la femme une impure quand elle a ses règles, lui accolant un symbole de saleté et de souillure le jour où elle sort de l'enfance et devient une femme pouvant procréer. Selon Françoise Héritier, des tribus préhistoriques interdisaient aux femmes de donner la mort à un animal en faisant couler son sang, , et aujourd'hui encore, aucun abattoir en France ne confie à une femme le rôle de tuer.
Le personnage d'Éva est né de ce questionnement.
Quel genre de pirate pourrait exister dans un univers parallèle, une femme qui se sent libre dans son corps avec ces questions-là, jusqu'à paraître impudique. Éva est insatisfaite de l'ordre établi mais ne veut que la justice et l'égalité, elle n'est pas revancharde. Sa démarche est d'ailleurs autant poétique que politique. Elle use d'un stratagème Shakespearien pour extraire Hémophile de sa condition. Tout est calculé en amont : mort par empoisonnement, enterrement, puis résurrection d’Hémophile grâce à l’aide du jeune vampire Crassac. La dernière scène dévoile les véritables intentions d’Éva : elle a planifié la fuite d’Hémophile. En en faisant une vampire, Éva métamorphose son amie, au sens propre comme au figuré. Elle se sert donc des possibilités offertes par ce monde fantastique pour atteindre une utopie, un lieu de liberté pour Hémophile. Elle incarne le bras armé de ce conte émancipateur. En somme, le cinéma, en tant que rêve éveillé, me semble pouvoir se loger ici : permettre au spectateur, le temps d'un film, d'avoir une tendre revanche poétique sur le monde.
Quelle forme ?
Ma méthode de travail provient de l'animation : une fois les décors trouvés, je dessine un story-board. Avec la décoratrice et l'opérateur de prises des , nous définissons le parcours visuel du film, ce que le ton décalé du film autorisera ou non en termes de lumière, de textures, d'accessoires et de costumes. Ici, l'idée est de recréer un huis clos luxueux, un nid chaleureux, qui doit s'opposer à l'extérieur, la campagne à feu et à sang que l'on voit à travers les fenêtres du train. Le privilège de ces voyageurs doit paraitre indécent et suspect. À l’exception d'Éva et Hémophile, ce sont tous des vaniteux, rigoristes et hypocrites.
Mon univers provient d'une pratique des arts plastiques : des plans rigoureusement composés, riches de détails, l'aspect graphique et théâtral des courtes focales, les couleurs saturées, les lumières irréelles.
En somme, je tends à créer un contrepoint chaleureux à un monde qui peut paraitre étrange, voir dérangeant au premier abord. Dans ce sens, on veillera à ne pas montrer des choses sordides ou répugnantes à l'image, ce qui affaiblirait notre propos. Le ton du film est résolument poétique, léger, parfois grivois, mais ne sera jamais provoquant : la beauté et le sens se chercheront dans l'allusion, le sous-entendu. Le but est d'obtenir une tonalité musicale à la langue, un rythme contrasté ; cela au sein de personnages, d'une réplique à une autre, d'une séquence à celle qui suit. Ici une tonalité tragique, là une comédie de mœurs entre Éva et Hémophile, un scène bouffonne avec le prêtre, une caricature de salaud.
PIERRE MAZINGARBE
PIERRE MAZINGARBE
Né en 1988, Pierre Mazingarbe est réalisateur et dessinateur, diplômé des Arts Décoratifs et du Fresnoy. Il fait partie du collectif Babouchka qui regroupe des réalisateurs, animateurs, illustrateurs, scénographes et designers graphiques. Ses films précédents : Blanche, Les poissons préfèrent l'eau du bain, Ce qui me fait prendre le train ont été diffusés en festivals et/ou à la télévision.
Une cinéphilie sauvage
Une cinéphilie sauvage
PROFONDEUR DE CHAMPS >>> Un cinéma de l’imaginaire est rare, nécessaire, bien accueilli par le public, et il est possible de faire en France des œuvres qui relèvent autant du grand spectacle que d’une vision singulière et personnelle des choses.
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