Extasy
Quand je mourrai, j'irai au paradis, car c'est en enfer que j'ai passé ma vie.
Chanteur du groupe Taxi Girl avec son tube Cherchez le garçon à la fin des années 70, Daniel Darc meurt en 2013 à 53 ans, trop vieux pour mourir jeune et trop jeune pour mourir vieux. Il avait brûlé sa vie par les deux bouts, une vie qu'il trouvait trop douloureuse quoique, avec le temps, il y avait pris goût.
Cinq ans plus tard, le réalisateur Antoine Camard tourne un court métrage dont le héros est Daniel, un Daniel Darc qui se serait échappé à temps de la spirale suicidaire et qui serait rentré à Brest, chez sa mère, pour vivre une vie saine, normale. Une uchronie donc, pour donner une happy end à la dérive punk, pour passer de l'extasy à l'extase, du tourment permanent à la paix éternelle.
SACRÉ COEUR
SACRÉ COEUR
d'Antoine Camard (2018 - 23')
À 40 ans, Daniel laisse la musique derrière lui et retourne vivre chez sa mère. Travaillant désormais à la criée, il se lie d'amitié avec un de ses collègues, mais son passé ne cesse de revenir le hanter.
>>> un film produit par Nelson Ghrénassia, Yukunkun Productions
Un hommage à Daniel Darc
Un hommage à Daniel Darc
par Antoine Camard
Dans mes premiers films, j’ai tenté de montrer la difficulté du passage à l’âge adulte, la lutte intérieure quand il s’agit de choisir (ou pas) sa vie. C’est dans ce même esprit que j’ai eu envie de faire un court métrage qui parle de recherche de soi, mais cette fois-ci, dans la vie d’adulte. Alors que je cherchais à donner forme au personnage principal, revenait, comme une évidence, l’image de cette pochette de l’album La taille de mon âme. L'on y voit Daniel Darc à genoux, dans une église, le regard tourné vers le ciel, le buste tatoué, le visage cassé. Le héros de mon film serait l'homme sur cette photo, brûlé, à terre, qui tente de trouver la grâce.
Le film commence en haute mer : Daniel fuit le monde. C’est un personnage fragile, un paumé qui lutte face à sa fureur de vivre. S’il a pu se reconstruire autour de sa mère et de la religion, Daniel reste dans une impasse. C'est là qu'il rencontre Benoit, de la même espèce que lui, chien fou sans laisse. Ils se reconnaissent au premier coup d’œil. Le désir qu’éprouve Daniel pour Benoit lui permet de se projeter les fantasmes de sa vie passée. À travers Benoit, ressurgit l’insouciance, l’addiction et la recherche d’extase.
J'ai voulu éviter l’idée d’un homme trouvant le salut par la religion. J'ai plutôt voulu en faire une histoire de révélation intérieure.
Jouant sur la symbolique du baptême, j’ai voulu terminer le film sur un de ces instants où se joue le destin d’un homme, sans pour autant pouvoir en comprendre toute la complexité. C’est cette part de mystère qui agit sur nos trajectoires individuelles, conférant à la vie sa beauté et sa fragilité, que j'ai voulu partager avec le spectateur.
MISE EN SCÈNE
Pour raconter le parcours chaotique de Daniel, j'ai opté pour une mise en scène qui illustre ses luttes intérieures. Il s’agit de suivre Daniel au plus près, caméra à l’épaule, en alternant plans serrés et plans larges dans un style brut, avec de longues prises. Au montage, nous avons construit les scènes sur le rythme des émotions, pour restituer toute la fragilité de Daniel.
L'utilisation du grand-angle a permis de donner un sentiment de proximité avec les personnages, et par la légère déformation qu’elles apportent à l’image, nous faire ressentir la perte de repères de Daniel. En m’inspirant des peintures de Caspar D. Friedrich et de son travail sur la lumière, j'ai cherché à créer une ambiance onirique, presque mystique pour ce film.
Antoine Camard
Antoine Camard
Antoine Camard est réalisateur. Après avoir travaillé plusieurs années au développement de documentaires de cinéma en France et au Mexique, il réalise plusieurs courts métrages sélectionnés à Côté court, Paris courts devant, Villeurbanne... Attaché à ses racines documentaires, il tente de questionner le monde à travers les portraits qu'il esquisse dans ses films.
COMMENTAIRES