Théâtre populaire
C'est l’histoire d’une bande de jeunes qui réinvente le théâtre populaire, à la portée de tous, produit dans un esprit de compagnonnage. Le réalisateur Xavier Liébard a déniché cette jeune troupe en pleins préparatifs, accueillie et soutenue par la famille et les amis de Lazare, l’un des comédiens et metteurs en scène. Le film nous fait assister au fonctionnement démocratique du groupe qui décide ensemble de ses choix artistiques, économiques et par conséquent politiques. C’est Balzac, romancier emblématique de la littérature populaire, qu’ils mettent à l’affiche sur leur scène auto-construite. Splendeurs et illusions nous permet d’approcher la vitalité de ce groupe mu par l’amour du théâtre, un théâtre qui porte au grand jour les passions humaines, derrière l’église d’un village rural du Maine-et-Loire.
SPLENDEURS ET ILLUSIONS
SPLENDEURS ET ILLUSIONS
de Xavier Liébard (2018 - 52')
Ils avaient envie d’inventer un théâtre plus libre et plus proche du public, alors ils ont construit un plateau en bois à l’ombre d’un clocher torsadé dans le jardin d’un petit village du Maine-et-Loire à Fontaine-Guérin. Ils ont monté les pièces qu’ils avaient envie de jouer au sein d'un collectif sans hiérarchie dont ils ont inventé les règles. Le public est venu comme pour un rendez-vous secret et le rêve d’un nouveau théâtre populaire a pris corps au milieu des champs.
C’est l’histoire d’une génération de comédiens trentenaires qui ont grandi ensemble et qui prennent conscience de l’audace et de la fragilité de leur rêve. Pour sa dixième édition, la troupe s’attaque à la Comédie humaine de Balzac et nous plonge dans les affres et illusions de leurs vies d’artistes à travers le récit rocambolesque de Lucien de Rumbempré, un jeune poète qui rêve de monter à Paris. Comment ne pas perdre son âme lorsqu’on est artiste ? Voilà le tiraillement intérieur.
>>> un film produit par Maël Cabaret, les 48° Rugissants
Une troupe pas comme les autres
Une troupe pas comme les autres
avec Xavier Liébard
Comment est née l’idée du film ?
Je creuse la question du collectif depuis 20 ans, sans l’épuiser. J’en ai parlé avec Léo Papperman-Cohen et Julien Campani, deux comédiens de la troupe et ils m’ont invité à enregistrer une lettre vidéo afin d’exposer mon projet. Les vingt membres de la troupe l'ont vue et ont voté oui à l’unanimité. Ça a été le sésame du projet, ils m’ont ouvert les portes de leur monde, sans rien me cacher de leurs doutes et leurs batailles.
Comment avez-vous écrit votre projet ? Quel en était la problématique ?
Je suis parti en repérage l’été suivant et j’ai partagé un mois de leur vie. Je me suis rendu compte que la plupart des créations étaient montées in situ quelques semaines avant le festival. Un marathon de cinq semaines, sans pause. La richesse de ce groupe, c’est qu’ils décident ensemble, mais les pièces sont dirigées par un seul metteur en scène. Il faut généralement cinq à six semaines pour monter un spectacle de deux heures. Là, ils en montaient trois en mêmes temps, en trois semaines. Textes sus, mise en scène préparées, ils enchainaient jusqu’à trois créations par jour, de 8h à 22h.
Ce sont des amis qui travaillent ensemble et qui tentent de s’impressionner, comme on le fait avec les gens qu’on aime, et ce moteur est exceptionnel. Tout était sueur, travail, effort, engagement, dépassement de soi, un collectif bouillonnant et talentueux où chacun apprend à expérimenter, ravaler son ego. Plus qu’un festival, ce collectif est parvenu à construire une sorte de laboratoire, une école de vie, où chacun se confronte à ses rêves. Comme le dit Émilien Diard Detoeuf dans le film, j’avais envie d’enregistrer le passage de la comète, sans jamais perdre l’esprit du collectif. Les comédiens parlaient entre eux d’égrégore, l’élément mystique qui compose l’alchimie de l’ensemble, une alchimie audacieuse et fragile, la 21e personne de la troupe. Je ne devais en aucun cas bousculer cette alchimie, autrement dit être le plus discret possible.
Quels étaient les pièges du film ?
Je crois que l’idée de filmer tout le monde à égalité était un vrai piège. Il faut des histoires et donc des individualités, je ne voulais pas rompre cet esprit collectif. L’autre danger, c’était de vouloir filmer tous les spectacles. Il y en avait huit. D’abord parce que c’était physiquement impossible de les suivre et ensuite ça ne racontait rien. En suivant le travail des metteurs en scène, j’étais sûr de voir le collectif converger. Nous avons partagé avec eux le terrible suspens de devoir être prêts pour le festival. Le cauchemar de la dernière semaine où rien ne marche. Et le miracle des premières où tous les comédiens montent en niveau. Je pense que ce film parle du bonheur de travailler, mais aussi de l’exigence de la chose artistique. Leur festival, c’est comme une locomotive lancée à toute vapeur. Jamais je n’ai ressenti aussi fortement cette idée du show must go on. Plus nous avons avancé et plus la troupe s’est libérée. Nous avons couru ce marathon improbable ensemble dans le même geste de travail. Finalement nous avons pu filmer au plus près des corps et du jeu. Je crois que c’est une des forces du film.
Quel est votre bilan personnel ?
J’espère être parvenu à attraper la comète et que ce film reflète l’image de mon admiration pour ce groupe là, sans flagornerie. Il y a des rencontres qui transforment. Pour ma part, je ne verrai jamais plus le théâtre de la même manière. Je crois de manière plus générale que le métier d’artiste est extrêmement dur et qu’il est difficile de trouver sa voie. Je voulais réaliser un film qui dise la passion et la dureté de ces métiers. Voilà maintenant 25 ans que je fais des films et je trouve cela toujours difficile, notamment sur la précarité. Mais à chaque fois j’y retourne, sûr de la liberté que j’y trouve.
Je pense que l’intelligence collective est une réponse possible à ces difficultés. Nous avons terriblement besoin de collectif en ces temps chaotiques. Mais la réponse collective ne va pas de soi, elle est complexe, râpeuse. Je pense avoir eu cette chance de filmer des gens de talent et je leur souhaite de s’accrocher à leur rêve, comme je m’accroche au mien.
Le Nouveau Théâtre Populaire
Le Nouveau Théâtre Populaire
Le Nouveau Théâtre Populaire se construit dans une relation de confiance et d’estime entre l’acteur et le spectateur. Dans un monde victime de son propre dépassement technologique, économique, écologique, le théâtre pauvre s’affirme avec une nécessité nouvelle : dépouillée de ses artifices, l’humanité y redevient le bien le plus précieux que l’on puisse partager. Le collectif a fait le choix de s’installer durablement à Fontaine-Guérin en Maine-et-Loire, le village où tout a commencé. Son temps fort est le festival qui se tient tous les étés à la fin du mois d’août, pendant lequel les créations du Nouveau Théâtre Populaire sont jouées à Fontaine-Guérin ainsi qu’une partie d’entre elles en tournée dans la région. Durant l’année, le Nouveau Théâtre Populaire anime des ateliers d’action culturelle, affirmant son engagement dans l’éducation par l’art en Maine-et-Loire.
Troupe démocratique, collectif d’artistes, groupe militant pour la démocratisation culturelle et la réinvention de la décentralisation, le Nouveau Théâtre Populaire est devenu en 12 ans un projet artistique total, n’oubliant aucun des idéaux ayant présidé à sa création, qui étaient et sont encore de proposer un théâtre accessible à tous, de faire revivre année après année un territoire rural, et de favoriser, par le théâtre, le lien entre les générations.
Le Nouveau Théâtre Populaire prépare aujourd’hui des tournées nationales pour aller à la rencontre d’autres publics, faire connaitre son modèle atypique et proposer une autre manière de faire du théâtre.
Souvenirs de tournage
Souvenirs de tournage
par Xavier Liébard
À l'occasion de la parution de cette page sur KuB, je voulais préciser une chose ici.
À titre personnel, j’ai traversé, précisément juste avant le tournage, une période très compliquée en termes de santé. De manière un peu pathétique j’ étais moi-même empêtré dans une histoire d’ambition personnelle et de limite physique. Fallait-il continuer son rêve ou tout abandonner ? Ce projet documentaire et cette troupe ont été d’un secours total, parce que malgré ma position peu enviable, les comédiens du NTP m’ont laissé travaillé et ont continué à me faire confiance. J’ai expérimenté dans ma chair l’importance de tenir son projet créatif pour continuer sa route. Ma femme et mes enfants en premier, mes amis, m’ont soutenu au jour le jour. Coté film, mon producteur Maël Cabaret, Olivier Brumelot de France 3, les régions Bretagne et Pays de la Loire, tous mes soutiens financiers ont compris l’importance pour moi de continuer cette aventure et je les en remercie chaleureusement. Pour en être sorti, je sais que sans eux tout aurait été plus difficile…
J’ai décidé de ne pas évoquer mes question personnelles dans le film, par manque de distance sans doute, mais aussi parce que ces questions seraient venues masquer la formidable énergie de la troupe. Mais je pense que cette question du corps qui lâche ou qui souffre a été très présente dans la construction du film à cause de cette expérience précisément. Aujourd’hui plus que jamais je sais que si le métier d’artiste fait rêver beaucoup de jeunes, il peut mettre ceux qui décident de s’y confronter face à une précarité et une fragilité terrible, très éloignés des tapis rouge et des récompenses. Les artistes sont comme des funambules, à tout moment la corde peut céder et tout peut s’écrouler. Alors pourquoi y retournent-ils ? Sans doute à cause du plaisir de voir le monde d’en haut.
Quelques années après ce film, la troupe a traversé la pandémie, avec de vrais moments de doutes et de remise en cause financière. Tous les comédiens de la troupe ont terriblement bataillé pendant le Covid. Mais là encore, leur collectif a opéré, ils ont su inventer des astuces, faire des pas de côtés, ensemble. Après deux années compliquées le Nouveau Théâtre Populaire est plus fort que jamais. Ils sont parvenus à monter en 2020 Le ciel, la nuit et la fête, un spectacle fleuve de sept heures composé de trois pièces de Molière : Le tartuffe, Dom Juan, et Psyché. Ce spectacle magnifique a été une des grandes révélations du festival d’Avignon. Je me réjouis de cette reconnaissance collective tellement méritée. Je sais qu’ils parviendront à bousculer leur modèle créatif pour révéler un théâtre à la fois nouveau et populaire que le public réclame. Pour ma part, je suis profondément convaincu que l’art en général est un espace salutaire pour tisser du lien et pour ne pas sombrer dans la folie du monde. C’est peut-être là que le lien social est à reconstruire dans les interstices de la création…
Je tire mon chapeau à cette jeunesse pleine d’espoir, car elle nous raconte qu’on peut refaire le monde, en petit comité, dans les jardins perdus.
Xavier Liébard
Xavier Liébard
Baigné dès son enfance dans un milieu festif et musical, à Saint-Mars-la-Jaille, Xavier Liébard n’a de cesse d’interroger ce qui crée l’harmonie dans un groupe. Licencié en lettres modernes, il est formé à la Fémis en réalisation. Il commence sa carrière à Paris en réalisant des courts métrages de fiction et en écrivant des scénarios. Son premier documentaire Le chemin des brumes, tourné dans les Monts d’Arrée en 2002, évoque le magnétisme de certains paysages sur les hommes. Il a trouvé son genre de prédilection et ne le quitte pas. En 2007, il filme un groupe de personnes âgées qui chantent dans les maisons de retraite de Loire-Atlantique, mais ne veulent pas y aller : Les joyeux compagnons ou la corde sensible. En 2008, pour une série documentaire intitulée Jeunes pousses réalisée avec Jean Raymond Garcia, il filme à Tours des footballeurs de 13 ans, les papas qui poussent et les mamans qui soignent. En 2010, il travaille comme premier assistant réalisateur sur le film de Hubert Sauper : Nous venons en amis, une traversée périlleuse en ULM au moment de la création du Soudan du sud. Le film est sélectionné à Berlin et Sundance. Après 20 ans passés à Paris, il revient dans la région nantaise et tourne en 2014 Le partage du fleuve, un film mosaïque autour de l’estuaire de la Loire, les rivalités et les tensions qui composent cet étrange territoire. Puis, en 2016 un film choral autour de la radio de l’île d’Yeu, Neptune FM, de la vie des Islais et du monde associatif : Les voix du large. Splendeurs et illusions, tourné en 2018, explore l'univers du théâtre.
Xavier Liébard travaille également depuis 25 ans comme intervenant réalisateur pour de nombreux organismes de formation en France et à l’étranger.
29 mai 2024 12:05 - Corine Navarro
Belle pépite découverte par le hasard. Merci Lola et Xavier :-) !
1 mai 2023 23:28 - Aurélie
Superbe documentaire! Le réalisateur capte l'intense énergie de cette troupe, et nous embarque au plus près des émotions du jeu des acteurs. Merci.