Cul par-dessus tête
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Film déglingue, secoué par des vents force 10, Tempête sur anorak bouscule le spectateur en déplaçant les standards narratifs.
Deux jeunes geeks - des alter ego du réalisateur ? - ont bricolé un système pour se propulser dans le futur. Une tempête est nécessaire à la concrétisation de l’expérience, et la voici qui arrive ! L’entrée dans le cœur de la dépression atmosphérique semble provoquer chez les personnages du film un dédoublement de personnalité : une pauvre vieille se mue en sorcière diabolique, une sympathique demoiselle en gangster… transmutations à mettre au compte de l’expérience scientifique et de l’extravagante imagination de l’auteur ! Il y a du professeur Tournesol chez Cabon, qui saupoudre son récit de montées de désir sexuel, tant chez les garçons que chez la fille, dans une situation tout sauf romantique.
Ceci étant dit, il ne reste plus qu'à se laisser emporter par la bourrasque de ce film insolite.
TEMPÊTE SUR ANORAK
TEMPÊTE SUR ANORAK
de Paul Cabon (2014-13')
Une tempête s’empare des côtes bretonnes. La nature s’affole, des choses se passent, deux jeunes scientifiques se font prendre dans le tumulte. Espionnage, espoirs amoureux et instants mystiques s’entrechoquent avec enthousiasme et désordre.
>>> un film produit par Vivement Lundi !
Prix SACD au concours de projets du Festival international du film d’animation d’Annecy 2011
Comique bancal
Comique bancal
par Paul Cabon
Le film est une comédie transgenre qui mélange des éléments du film d’espionnage, du film fantastique et de la comédie sentimentale. Il en ressort un ton étrange et multiforme, qui déstabilise constamment le spectateur mais garde le souci de ne pas le perdre avec l’espoir de parvenir à le faire rire au milieu de cette étrangeté.
Le burlesque est l’humour de la démesure, des exagérations et de l’irrationnel, un humour cruel qui n’épargne pas ses acteurs, qui les met à l’épreuve et use leurs jointures. Il est présent dans le film par la nonchalance clownesque avec laquelle les personnages abordent le danger ou les coups qu’ils prennent, l’absurdité de certaines scènes (la grand-mère et les vaches au milieu de la nuit, la danse de la scène finale) et la démesure de la tempête, qui sera constamment présente par de petits détails dans le décor, comme une voiture qui virevolte derrière les personnages dans un moment de silence.
Intentions formelles
Le rythme du film s’organise comme une tempête, il s’agit d’une succession de moments calmes et vides, alternés avec des scènes où le rythme s’emballe, tout se met à bouger, beaucoup de choses se passent, on atteint un paroxysme puis le rythme retombe. Le spectateur est ainsi balloté, malmené et surpris tout le long du film. Ceci s’applique au niveau du découpage et de la narration mais également sur l’animation des personnages.
La mise en scène évolue sur deux échelles, celle de la tempête et celle des personnages. On alterne entre plans larges, où les personnages sont perdus dans l’immensité déchainée, et plans serrés, qui traitent les relations entre les personnages.
Les dialogues
Les personnages s’expriment avec platitude, énoncent des évidences qui ne servent à rien ou disent des choses sans rapport avec l’action. Ces incongruités seraient à proscrire dans d’autres films, mais elles participent au comique bancal de Tempête sur anorak. L’inefficacité, le coté peu naturel des répliques participent au décalage comique du film et à cette recherche de rythme particulier. Les dialogues apparaissent souvent au moment de pauses, leur platitude, leur coté mou s’accordent avec le calme qui doit habiter ces instants, et accentuent la surprise quand une brusque montée de rythme vient briser ce repos flottant.
Le son
Le vent force les personnages à crier pour se comprendre en extérieur, parfois il peut retomber brutalement et les personnages se mettent à crier dans le silence à la fin de leur phrase. L’inverse peut aussi se passer, le vent monte et force les personnages à crier au milieu de leur phrase. La déformation de l’espace sonore que les mouvements d’air du vent entrainent est aussi utilisée, la tempête décale les sons, les étouffe, les accélère.
L’animation
Les décors du film sont peints à la main et assemblés par ordinateur à la manière d’un collage en papier découpé. Ce système permet de travailler la composition des plans en ayant la possibilité de tester beaucoup de variations différentes. Cela permet de modifier la place des éléments de décor et de réutiliser les éléments d’un plan à l’autre.
L’animation est dessinée dans Flash sur tablette Cintiq. Elle mélange animation dessinée classique et papier découpé. Des matières sont appliquées sur les personnages au compositing pour mieux les intégrer aux décors peints. Le compositing prend aussi part à la création de l’atmosphère de tempête et fait ressentir au spectateur le mouvement des nuages.
Le rendu final du film ne cherche pas à singer un film réalisé sur papier. Il y a un coté 2D numérique présent dans l’esthétique du film. Le côté froid, mathématique, et l’aspect synthétique des images créées par ordinateur, confrontées à la sensibilité de la peinture provoque le mélange des genres du film : la nature et les machines scientifiques aux lumières acides.
PAUL CABON
PAUL CABON
Né à Brest en 1985, Paul Cabon est un réalisateur et animateur breton.
Après une mise à niveau en arts appliqués à l'école Estienne à Paris, il intègre l’ESAAT de Roubaix où il obtient un DMA en cinéma d’animation.
De 2007 à 2009, il étudie à la Poudrière, à Valence. Son film de fin d’études, Sauvage, est primé au festival du film d’animation d’Annecy en 2010, et au Fresh Film Festival de Prague.
Après sa sortie de l’école il travaille en tant qu’animateur, scénariste et créateur de décors et personnages pour la série Michel à Folimage. Il collabore aussi comme illustrateur dans divers fanzines.
Tempête sur anorak est son premier film pro, depuis il en a réalisé d'autres dont Le futur sera chauve, nommé pour le César du meilleur court métrage d'animation.
Un Cabon, un ton
Un Cabon, un ton
CICLIC >>> Ciclic, l'Agence régionale du Centre-Val de Loire pour le livre, l'image et la culture numérique. Rencontre avec Paul Cabon autour de la réalisation de Tempête sur anorak.
FORMAT COURT >>> Tempête sur anorak est un OVNI (Objet Visuel Non Identifié) qui part dans toutes les directions et n’hésite pas à mélanger les genres que sont le film catastrophe, l’espionnage, l’amour et la sorcellerie. Le spectateur est pris dans une tempête esthétique et visuelle psychédélique.
RTBF >>> Nouveau court métrage comique, surréaliste et intelligent réalisé par Paul Cabon. En quelques minutes, le réalisateur nous amène dans un récit d’acceptation de soi, de ses différences, dans une optique de révision des normes sociétales...
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