Manifeste
16/04/2025
Serge Steyer a tout compris et sait le montrer, au rythme tranquille d’Yves Gillen et Annick Bertrand. Le réalisateur de Vivre en ce jardin a su entendre la douce chanson de ces deux utopistes qui ont trouvé leur paradis en Brière. Niché en lisière du marais, ils sont constamment à l’ouvrage : jardin, tâches ménagères, coupe des roseaux pour faire rentrer un peu d’argent. Mais pour eux le BIB, bonheur intérieur brut, c'est de refuser la société de consommation. Quand on doit rembourser la maison, la télé… une grève ne peut pas durer.
Simple comme un jardin.
VIVRE EN CE JARDIN
VIVRE EN CE JARDIN
de Serge Steyer (2004 - 52’)
Envers et contre tout, Yves et Annick ont réalisé dans la Grande Brière un jardin qui est à la fois un lieu de subsistance, une œuvre artistique et un manifeste politique. En 1970, ils ont perdu tout espoir de vivre dignement dans l’environnement prolétarien qui était le leur. Un choix radical s'est alors imposé : un jardin, en bordure du marais, un jardin comme lieu de vie et de rencontre, un jardin comme création.
Mise en pratique de l’écologie au quotidien, le film retrace l’expérience menée par ce couple à l’échelle d’une vie.
>>> un film produit par Didier Gerbaud, Pois Chiche Films
Palmarès
Grand Prix du Festival Cinéma-Nature de Dompierre (Allier)
Prix du public et 2e Prix du jury du festival international Caméra des champs
Éloge de l’ortie
Éloge de l’ortie
par Serge Steyer
Au début des années 2000, après avoir fait des films avec des théoriciens de l'écologie politique ou scientifique - Jacques Ellul, Jean-Marie Pelt - j'ai voulu raconter comment l'écologie se traduit dans le quotidien. Quand j'ai rencontré Yves et Annick, j'ai compris que je tenais là les personnes idéales pour arriver à mes fins.
Je n’oublierai jamais ce jour de printemps où m’apparut la palissade de bois débordante de végétation sur laquelle un panneau aux lettres peintes à l’ancienne indiquait : Les Jardins du marais, visites de 16 à 20 heures. J’agitais la clochette placée au-dessus du portail… personne. Alors, encouragé par toutes sortes de petits signes de bienvenue, je franchissais le seuil d’un lieu qui allait combler mes attentes et m’ouvrir de nouvelles perspectives. Je revins le lendemain, dans l’espoir d’y trouver les créateurs du lieu. Ils étaient là, et sans manières il me racontèrent leur jardin, et donc leur vie.
Le coup de cœur fut instantané. L’impression de faire une de ces rencontres qui infléchissent le cours de la vie, non pas qu’elles vous modifient, mais parce qu’elles épanouissent une partie de vous-même qui n’attendait que cela. En deux ans, une réelle connivence s’est installée entre nous, et quand j’ai proposé à Yves et Annick de faire un film qui relaterait leur existence, ils ont accepté.
Pour moi, la vie d’Yves et Annick est exemplaire. Ils ont établi la preuve qu’on pouvait sortir du système sans être clochard ni rentier, sortir du système tout en restant sociables car nos deux protagonistes sont tout sauf des ermites. Seconde facette de leur exemplarité : ils ont réussi à mettre en application un mode de vie réellement écologique, à savoir une existence qui ne contribue pas à accroître les pollutions de toutes sortes. Troisième point, et il est essentiel : ces gens ont du goût. Il n’est pas un détail qui sorte de l’esthétique qu’ils ont méticuleusement élaborée et qui fait régner en ce jardin une atmosphère d’harmonie et de plénitude.
Yves est peintre, il peint des petites choses à la volée, ce qu’il a sous les yeux, un paysage, une poule, un chat, d’un geste et sans retouche. Mais son œuvre majeure en tant que peintre c’est son jardin : une peinture en constante mutation que l’artiste accompagne sans relâche.
Annick écrit des articles, et plus récemment un livre utilitaire sur la randonnée. Au moment du tournage, elle entamait la rédaction du livre qui retracera leur expérience : d’une vie ressentie comme impossible jusqu’à l’explosion de mai 68 au lendemain de laquelle elle rencontre Yves, puis les années à sillonner la France en roulotte, en vivant de peu et enfin l’arrivée sur ce modeste pré à faucher en lisière du marais briéron.
En 1998, ils ont décidé d’ouvrir leur jardin aux visiteurs. En quelques années, le Jardin du marais est devenu un passage obligé pour toute une population d’amoureux des jardins, sa réputation n’a cessé de grandir. Yves allait de conférences en démonstrations et fut jardinier pilote à la prestigieuse École nationale supérieure du paysage de Versailles.
L’éloge de l’ortie et de la friche peut sonner comme une provocation, elle est en réalité la pierre angulaire des conceptions d’Annick Bertrand et Yves Gillen. Pour eux, le jardin est une question d’être et non d’avoir, il doit se concrétiser dans la frugalité, dans un esprit de rébellion contre la course aux dollars. La vraie richesse de leur vie, c’est le temps retrouvé et la reprise en main de leur destin.
Mon projet a été de restituer fidèlement leur système de pensée et d’existence. Vivre à leur manière, même dans un coin de paradis, relève d’une discipline voire d’une lutte quotidiennes, une lutte émancipatrice.
Serge Steyer
Serge Steyer
Le parcours de Serge Steyer en tant qu’auteur et réalisateur commence dans les années 1980. Sa filmographie comporte aujourd’hui plus d’une trentaine de films documentaires : portraits d’artistes, questions de démocratie locale, écologie… Les sujets sont divers, souvent engagés. Ses films sont une recherche de solution, une dénonciation de ce qui ne fonctionne pas, mais aussi une dénonciation de la façon dont les intérêts privés s’opposent à l'intérêt général et comment les blocages culturels empêchent de changer la donne. Avec Stéphane Manchematin, il a réalisé trois longs métrages documentaires sur des personnages vivant dans les Vosges, des films qui ont connu une carrière internationale et dont L'Esprit des lieux a été couronné par le prix Scam de l’œuvre audiovisuelle de l'année 2020.
Depuis 2004, Serge Steyer a consacré une part grandissante de son temps à des projets collectifs : Films en Bretagne (fédération des professionnels du cinéma) qu'il a dirigé quelques années, puis KuB qu'il a fondé et dirigé jusqu’à récemment. Fondateur d’un ciné-club au Bono (56), il a aussi été engagé dans diverses formes de l’écologie pratique.
Des nouvelles d'Yves Gillen
Des nouvelles d'Yves Gillen
Des nouvelles d'Yves... car la mauvaise nouvelle, c'est qu'Annick nous a quitté en 2012. Depuis, il continue le grand œuvre, seul aux Jardins du marais, mais toujours accueillant pour ses nombreux visiteurs.
YOUTUBE >>> Comment avoir un bon sol ? Petite leçon d’Yves Gillen en direct des Jardins du marais.
OUEST FRANCE >>> Cet apparent fouillis végétal est soigneusement orchestré. Il y a le jardin potager, le jardin d’ornement et ce que j’appelle le dernier jardin, un territoire d’expérimentation, détaille le jardinier.
OUEST FRANCE >>> Il faut déclarer la paix au jardin. Il n’y a pas de mauvaise graine, il suffit de la mettre au bon endroit. Boycotter les marchands de chimie, s’aider des auxiliaires et des petites bêtes et tolérer de partager 10 % avec les animaux. Jardiner bio, ce n’est pas une mode, c’est une urgence !
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